Nestlé empiète sur le territoire des groupes pharmaceutiques

Nestlé prend une longueur d'avance. Le leader mondial de l'agroalimentaire va créer une filiale dédiée à la « nutrition personnalisée » pour prévenir et traiter le diabète, l'obésité, les maladies cardio-vasculaires et la maladie d'Alzheimer. « Il s'agit d'une nouvelle industrie entre alimentation et pharma », a souligné lundi le président du conseil de surveillance, Peter Brabeck-Letmathe. Le groupe de Vevey met sur la table 500 millions de francs suisses (376 millions d'euros, à comparer à son chiffre d'affaires global de 81 milliards d'euros). Il est présent depuis 1986 dans la nutrition médicale. Mais, depuis, le marché a explosé. Près de 1 milliard de personnes souffrent d'obésité, dont 20 % d'enfants en Europe. Alzheimer bouleverse la vie de milliers de personnes dans le monde. Et l'extension du mode de vie occidental et de sa mal-bouffe expose davantage aux maladies cardio-vasculaires. Partout, dans le même temps, les dépenses de santé dérapent. « Il faudra que nos systèmes de santé s'orientent vers des politiques de prévention », juge Peter Brabeck-Letmathe. Le fabricant des glaces Häagen Dazs, de Nestea et du Kit Kat veut y jouer son rôle. Le groupe espère, à terme, via Nestlé Health Science, concevoir des produits alimentaires pour prévenir ces maladies et alimenter les patients. La nutrition médicale présente déjà des performances alléchantes. Le marché devrait croître de 8 % par an entre 2008 et 2013, pour atteindre 8 milliards de dollars, selon Business Insights. Et les marges y sont élevées. « La marge opérationnelle de produits avec des allégations santé peut flirter avec les 25 % », explique Vincent Genet, directeur de l'activité santé chez Alcimed. Au premier semestre 2010, celle de Nestlé a atteint 19 %, contre 15 % pour l'ensemble du groupe, et chez Danone, elle s'est établie à 19,9 %. Car Nestlé n'est pas le seul à prendre position. Il y a pour concurrents des rivaux historiques, dont Danone. Le français, qui a racheté les aliments pour bébés Numico en 2007, a mis la main, en juin, sur Medical Nutrition, un spécialiste des suppléments nutritionnels pour personnes âgées. Nestlé se frotte aussi à des laboratoires pharmaceutiques. L'américain Abbott, leader mondial de la nutrition médicale, en tire 17 % de ses ventes mondiales. Johnson&Johnson en est aussi, via sa division McNeil Nutritionals. Et, il y a un an, Sanofi s'est emparé des compléments alimentaires Oenobiol. les moyens de ses ambitionsDès lors, qui saura le mieux profiter du filon ? « Investir dans les produits sains, c'est le sens de l'histoire de l'agroalimentaire », estime un consultant spécialisé en grande conso. « Au vu de son intérêt historique pour la santé - il détient 50 % de Galderma avec L'Oréalcute;al -, la démarche de Nestlé me semble cohérente », précise Vincent Genet. Nestlé a aussi les moyens de ses ambitions. Il vient de toucher 28 milliards de dollars de la vente des 52 % qu'il détenait dans Alcon. Sans doute, puisera-t-il dedans pour attirer à lui les meilleures start-up du secteur, objectif affiché des dirigeants. L'argument pourrait faire mouche. « Avec le durcissement de la législation sur les allégations santé, nombre de PME ne pourront plus assumer les coûts de développement des études cliniques désormais obligatoires pour prouver le bienfait santé d'un produit », estime Vincent Genet. Nestlé jure cependant ne pas vouloir racheter un groupe pharmaceutique.
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