La zone euro minée par la crise des modèles nationaux

Décidément, les marchés ont toujours une longueur d'avance sur les politiques. Après la Grèce et le Portugal mardi, c'était mercredi au tour de l'Espagne de voir sa note souveraine dégradée par l'agence Standard and Poor's. En attendant un prochain nom de pays, Dominique Strauss-Kahn, le directeur du FMI, et Jean-Claude Trichet, le patron de la Banque centrale européenne (BCE), avaient fait le déplacement mercredi à Berlin pour peaufiner un plan d'aide à la Grèce avec la chancelière Angela Merkel. Une aide qui pourrait s'élever désormais à 120 milliards d'euros, selon un député allemand. Surtout, il s'agit de mettre fin aux tergiversations des Allemands, qui temporisent depuis plusieurs semaines pour mettre la main à la poche, pour des raisons de politique intérieure. Il y a quelques jours, le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, résumait parfaitement l'aporie européenne : « Que l'on jette en priorité un regard de politique intérieure sur les questions européennes au lieu d'un regard européen sur les affaires de politique intérieure, cela me préoccupe », déplorait-il.Même les responsables du Vieux Continent, Jean-Claude Trichet en tête, s'évertuent à pointer d'abord les déficits américain ou britannique pour souligner qu'ils sont plus graves que ceux de la zone euro. Certes, l'impasse budgétaire de la Grèce elle-même -?près de 14 % du PIB - n'est guère éloignée des 11 % à 12 % du monde anglo-saxon. Mais la zone euro cumule plusieurs autres désavantages. D'abord, les perspectives de reprise y sont encore plus fragiles qu'ailleurs. Or, sans croissance, il n'y a pas de possibilité de réduire l'endettement. Ensuite, la coordination des gouvernements est laborieuse, pour ne pas dire inexistante. José Manuel Barroso, le président de la Commission, s'est montré une fois de plus incapable de faire un travail minimal de coordination. Et alors que le Conseil des chefs d'État avait fait merveille en octobre 2008, face à la crise bancaire, il n'est pas parvenu à coaliser les gouvernements pour aider la Grèce. Plus grave encore, les situations politiques et sociales nationales sont fragiles. En Allemagne, c'est une coalition qui menace d'éclater. En Grèce, c'est la rue qui gronde contre l'austérité. En Belgique, c'est le risque de partition du pays qui refait surface. En France même, la majorité se chamaille sur les grandes orientations de politique économique et le président Sarkozy atteint des records d'impopularité.C'est la crise qui a fragilisé les gouvernements européens, et plus encore les difficultés budgétaires nées de cette crise. Difficultés qui, Dominique Strauss-Kahn le rappelait dans nos colonnes mercredi, proviennent de l'effondrement des recettes fiscales, et non pas des plans de relance. Face à la nécessité de couper dans les dépenses ou d'augmenter les impôts, les coalitions se divisent et les peuples renâclent. L'heure de vérité a sonné pour le fameux « modèle européen », avec son État providence financé par la redistribution. Voilà longtemps qu'on le savait en difficulté, à cause de la faible croissance économique et de l'évolution démographique. Il est aujourd'hui à l'agonie. En ce sens, la crise d'Athènes n'est pas seulement grecque. Elle préfigure les crises financières et politiques qui se profilent dans nos États dispendieux.
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