« On est chez les fous  !  »

Lundi, 9?h?00. Jean-Paul Rouanet, 51 ans, salarié de France Télécome;lécom à Annecy-le-Vieux, s'arrête sur la bande d'arrêt d'urgence de l'A41, sur le viaduc d'Alby-sur-Chéran. Il enjambe le parapet, hésite, recule, puis se jette dans le vide. Il travaillait au service clientèle professionnelle depuis la mi-septembre et avait rendez-vous le soir même avec le médecin du travail. « Nous avions interpellé notre hiérarchie pour lui dire que Jean-Paul n'allait pas bien. Tous les soirs, il disait qu'il n'en pouvait plus et qu'il n'arriverait pas à tenir les objectifs », explique Danielle Rochet, déléguée du personnel. La faute aux restructurations successives, selon elle. « On oblige les personnes issues des services que l'on ferme à faire des métiers pour lesquels ils ne sont absolument pas faits. Après à peine deux mois de formation, on les balance, comme Jean-Paul, au front, face aux clients. » Des techniciens et des gestionnaires jusqu'alors très performants dans leur métier n'atteignent plus les résultats. « Jean-Paul a été mis en situation d'échec du fait d'objectifs très difficiles à atteindre », confirme de son côté Jaime Alfonso, responsable des ventes sur le site, élu CFE-CGC. Un cas isolé ? Non. Le plateau d'appels compterait 8 % à 10 % de personnes en arrêt de travail. « En quinze jours, j'ai alerté deux fois la médecine du travail pour des personnes en grave dépression. On est 150 sur le plateau, mais chaque salarié se sent isolé. » Deux managers ont même craqué. « Au moment de la restructuration en juin, l'ancien chef de Jean-Paul a pété les plombs, et dernièrement, c'était la directrice du plateau », précise Jean-Paul Portello, délégué syndical Sud pour la région Rhône-Alpes-Auvergne. En cause : les conditions de travail. « On est les uns sur les autres, tout juste isolés par un paravent, avec le bruit des sonneries et des communications », se plaint un salarié. Sans compter le matériel. « Ils ne veulent pas acheter de casques décents. On entend mal, ça grésille, ça coupe? » Répondre aux clients implique d'ouvrir 5 ou 6 applications. « C'est lent. Parfois, ça plante, le client s'impatiente? D'autant qu'il a déjà attendu longtemps en ligne faute de personnel », explique Danielle Rochet. « Et nous avons un seul fax pour 150 ! On est chez les fous ! C'est pire que le privé ici. Pire ! »« On doit tenir la cadence de 5,2 appels par heure », explique un salarié. « Pour y arriver, certains travaillent en dehors de leur temps de travail. » Jean-Paul, perfectionniste, selon ses collègues, n'a pas supporté. « La solidarité est un mot que l'on ne connaissait plus. Les agents ne prenaient pas le temps de discuter de peur de ne pas atteindre leurs objectifs », explique Jean-Paul Portello. « Avec la réaction massive, collective et solidaire, l'espoir renaît. » Les syndicats ont décidé d'engager une action juridique contre X, en invoquant « la faute inexcusable de l'employeur pour mise en danger de salariés au travail ».Muriel Beaudoing, à Annecy
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