Flavie Serrière Vincent-Petit, au chevet des vitraux

Rencontre avec la maître verrier dont l’atelier s’est imposé comme l’un des fleurons français de la restauration du patrimoine.
Vitraux contemporains de Fabienne Verdier et Flavie Vincent-Petit à l'église de Nogent-sur-Seine et restauration des vitraux inspirés des Triomphes de Pétrarque de l'église d'Ervy-le-Chatel - 2018
Vitraux contemporains de Fabienne Verdier et Flavie Vincent-Petit à l'église de Nogent-sur-Seine et restauration des vitraux inspirés des Triomphes de Pétrarque de l'église d'Ervy-le-Chatel - 2018 (Crédits : DR)

« Un vitrail doit assurer l'étanchéité d'un bâtiment tout en étant une œuvre d'art... Un sacré défi ! Son plus grand ennemi, c'est l'eau. Au point de rosée, la condensation stagne sur la face interne et grignote les particules de verre. »

L'élégance classique de Flavie Serrière Vincent-Petit - Chemisier fleuri et lunettes carrées noires - balaie le cliché de la figure du maître verrier échevelé rescapé du Moyen Âge. La jeune quinqua affiche l'assurance de celle qui maîtrise son sujet. Pourtant rien ne prédestinait la Troyenne à exercer cet art millénaire - et à y exceller.

« Je viens d'une famille d'agriculteurs de l'Aube, indique-t-elle. Le hasard ou mon ange gardien m'a menée au vitrail à la faveur d'un stage en licence. En fait, ça répondait à toutes mes aspirations, le côté scientifique et technique, à la fois manuel, intellectuel et artistique. Ce que j'aime : le mouvement, la transparence, le jeu autour des limites et de la bordure. »

Manon, la dernière recrue de la manufacture, manie le scalpel sur une scène du XVe siècle arrivée de Walbourg, en Alsace. Les vitraux anciens sont souvent accidentés. On les a longtemps réparés avec des plombs de casse. Certains en comptent tellement que la lecture de la scène représentée en est altérée.

« Nous en retirons un maximum, raconte Flavie Serrière Vincent-Petit. Puis nous comblons les manques avec de la résine ou de nouveaux morceaux de verre. »

Le processus, plutôt routinier, n'a plus de secret pour celle qui a fondé sa manufacture en 2012 après avoir œuvré pendant dix-huit ans au sein du prestigieux atelier Alain Vinum, à Troyes. Son entreprise qui compte maintenant 25 employés s'est imposée dans le trio de tête des ateliers de restauration français. Rien d'étonnant donc à ce qu'elle assure actuellement la remise en état de 25 verrières de Notre-Dame de Paris (lire ci-dessous). Depuis dix ans, les chantiers se sont succédé à la Manufacture Vincent-Petit: la cathédrale de Châlons-en-Champagne mais aussi celles de Troyes, d'Autun, de Strasbourg, et des églises parisiennes comme Saint-Étienne-du-Mont.

« La restauration scientifique concerne une poignée d'ateliers. Nous sommes en concurrence avec les Allemands, même si en France on a la compétence et un master spécifique à la Sorbonne. »

Cette activité représente 99 % de son chiffre d'affaires, qui approche les 2 millions d'euros.

Flavie Serrière Vincent-Petit

Flavie Serrière Vincent-Petit dans son atelier à Troyes (Aube).

500 euros à 10 000 euros le mètre carré

En comparaison, la création fait figure de récréation. À côté de Manon, Lou est penchée sur de grands panneaux disposés sur une table lumineuse. Une verrière de 4 mètres sur 1,70 mètre, destinée à la cage d'escalier d'un client belge. Avec minutie, Lou passe un enduit blanc sur les réserves, des zones destinées à rester incolores lors de la cuisson. Les feuillages en grisaille et en jaune d'argent frémissent déjà.

« La baie vitrée a remplacé la fenêtre à meneaux, s'amuse Flavie. Le vitrail avec ses réseaux de plomb est devenu obsolète. Pour moi, le vitrail, c'est avant tout de la peinture sur verre plus que de l'assemblage. »

Ici, le verre est feuilleté pour ne pas éclater et le panneau est double-vitré. La réponse aux normes thermiques et de sécurité. Le coût dépend de la difficulté technique, de 500 euros à 10 000 euros le mètre carré, 2 000 euros en moyenne. Quelle que soit l'ampleur du projet, la manufacture assure chaque phase, échafaudage, dépose éventuelle, maquette, confection, cuisson à 630 °C, pose définitive...

Artiste, la maître verrier l'est aussi lorsqu'elle imagine et conçoit des vitraux pour remplacer des éléments disparus. Comme à Ervy-le-Châtel (Aube), où la manufacture a restauré Les Triomphes de Pétrarque, un ensemble érudit de la Renaissance. À gauche, il y avait une verrière ancienne. À droite, plus rien. Il y a désormais une composition dans les mêmes tonalités, à base d'éléments végétaux.

« Cela reste modeste, sourit Flavie, mais je pense avoir saisi l'essence du vitrail du XVIe siècle pour lui adjoindre un pendant harmonieux et moderne. »

Concevoir et innover sans cesse. ■

La Tribune Dimanche
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