Vincent Dedienne décoiffe

Le comédien mène la pièce de Labiche « Un chapeau de paille d’Italie », dans une mise en scène électrisée par la musique de Feu ! Chatterton.
(Crédits : JEAN-LOUIS FERNANDEZ)

« Les répétitions sont tellement intéressantes, avec Alain Françon, que j'aurais aimé continuer, et continuer encore ! »

Au lendemain du triomphe de la première représentation du spectacle sur l'immense plateau du Théâtre de la Porte Saint-Martin, Vincent Dedienne est prêt à travailler, à aller toujours plus loin.

« Nous avons passé douze semaines très denses, de 10 heures à 19 heures à chaque séance, des séances très sérieuses, intenses. Alain Françon est très précis, très rigoureux et c'est un privilège de l'écouter, d'être dirigé par cet artiste qui possède une vision très claire de la partition générale, qui en saisit l'énergie vitale et voit aussi ce qu'il peut y avoir de tragique en certains moments, en certains personnages. »

Un chapeau de paille d'Italie est un classique.

Créé le 14 août 1851 au Théâtre du Palais-Royal par une chaleur éprouvante, il rompait avec les habitudes des spectacles de divertissement : cinq actes. On n'avait jamais vu ça ! Eugène Labiche et son collaborateur Marc-Michel allaient loin, demandaient beaucoup. Le succès fut immédiat :

« Jamais pièce n'eut moins de bon sens, écrit Paul de Musset, grand frère d'Alfred, dans Le National. La farce y touche au fantastique et à l'absurde. »

Depuis, ce succès ne s'est jamais démenti et l'on ne se lasse pas de cette course-poursuite qui inspira à René Clair, en 1928, au temps du muet, un très étonnant film de près de deux heures. La pièce est inscrite au répertoire de la Comédie-Française et très régulièrement reprise, dans la maison de Molière et ailleurs.

La production programmée par l'audacieux directeur de la Porte Saint-Martin, Jean Robert-Charrier, est somptueuse. Jacques Gabel (décors), Joël Hourbeigt (lumières) et Marie La Rocca (costumes) sont des familiers de l'univers d'Alain Françon et s'adaptent à tous les genres et aux humeurs contrastées du vaudeville qui nous conduit de scènes de la vie bourgeoise et petite-bourgeoise à des bouffées de pur délire, éclats de rire et cauchemar mêlés. La danse tient une place importante avec des chorégraphies d'Emma Kate Nelson et des compositions du groupe Feu ! Chatterton jouées en live depuis des loges du premier étage par trois musiciens toniques, deux garçons et une fille. Comme lors de la création, on reprend des tubes d'époque, et vous entendrez même un peu de Starmania !

« C'est un privilège d'être dirigé par Alain Françon, qui possède une vision très claire de la partition générale, qui en saisit l'énergie vitale »

Vincent Dedienne

Une comédie musicale, cette version du Chapeau de paille ? Non. Le texte est travaillé au rasoir.

« Alain Françon a plusieurs fois monté des pièces de Feydeau, et il souligne que Labiche est plus difficile encore, note Vincent Dedienne, lancé dans ces deux heures trépidantes qui ne semblent pas l'épuiser. Il prend grand soin de la mécanique mais il préserve bien le caractère de chacun, et si la future mariée arrive de la campagne avec sa noce, sa candeur et ses peurs, il montre bien comment elle est sacrifiée. Mais Fadinard l'aime ! Autrement, il ne se lancerait pas dans cette aventure épique. »

Dedienne est un grand acteur. Il a pour lui la jeunesse, l'énergie, l'intelligence, une présence forte et élégante, de l'esprit. Il ne craint pas le côté canaille de Fadinard, rentier virevoltant qui aime séduire les belles.

Et lorsque à la fin le chapeau de paille d'Italie se retrouve suspendu à un réverbère et que le jeune marié - il arrive quand même à épouser Hélène, mais on ne voit pas la cérémonie - fait des sauts de cabri pour tenter de le décrocher, on pense à cet Arlequin du Jeu de l'amour et du hasard scintillant d'alacrité que jouait sur ce même plateau, il y a déjà cinq ans, un Vincent Dedienne vif et sentimental. Enfant de troupe, il excelle seul en scène et reprendra dès janvier Un soir de gala, avant de changer d'univers avec Jean-Luc Lagarce. La distribution n'est composée que d'as du jeu et Alain Françon s'amuse.

Que dire de cette liane immaculée qui se tortille dans tous les sens parce qu'une épingle est restée piquée dans sa robe ? Hallucinante Suzanne de Baecque, cocasse et bouleversante. Reconnaîtrez-vous en Nonancourt, son père pépiniériste, l'exceptionnelle Anne Benoît, métamorphosée par cette magicienne de Cécile Kretschmar (voir ci-contre) ? Et cet Achille de Rosalba, kilt et grandes enjambées sautillantes, que compose Alexandre Ruby ? On est sans cesse surpris, et chacun ici défend avec grâce son personnage.

Alain Françon tient les fils d'un comique déchaîné et ceux d'un monde âpre et cruel que voit bien Labiche. « C'est beau... c'est chevaleresque... c'est français », peut conclure Nonancourt. Sans rire. ■

Théâtre de la Porte Saint-Martin, du mercredi au vendredi à 20 h 30, samedi à 16 heures et 20 h 30, dimanche à 16 heures. Jusqu'au 31 décembre. portestmartin.com

La Tribune Dimanche
Commentaire 1
à écrit le 08/10/2023 à 11:04
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Deuxième personne médiatique, talentueux certes mais vous allez sur la toile et vous allez en avoir beaucoup plus de talents, dont vous faites la pub et qui vient du "quotidien". Bref internet a battu les médias de masse habituels mais c'était facile...

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