Trois ans après Lehman Brothers, un air de déjà-vu

Les dettes publiques des États européens sont-elles les nouveaux subprimes qui gangrènent la finance, engendrant un nouveau risque systémique ? La crise de 2011 se révèle potentiellement plus grave encore que celle de 2008.
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Les banques qui se ruent au guichet de la BCE pour se refinancer, préférant placer leurs liquidités en lieu sûr que de prêter à leurs pairs, cela ne vous rappelle rien ? Un petit air de déjà-vu flotte sur la planète finance, trois ans après la faillite de la banque d'affaires américaine, Lehman Brothers, qui a mis le feu à la finance mondiale le 15 septembre 2008.

Les ressemblances ne manquent pas, même si les mauvais actifs qui gangrènent le système ne sont plus les crédits hypothécaires américains repackagés pour être transformés puis dissimulés dans des titres hybrides, mais les dettes publiques européennes, titres dont les qualités intrinsèques sont a priori connues de tous.

Certes, dans un monde où la confiance est tout, cette transparence pourrait peut-être tout changer. « S'il n'y a pas cette fois de dissimulation dans la qualité des titres, il y a bien, comme en 2008, une dissémination de ce risque dans les banques, les assurances et, de façon générale, dans toute l'épargne mondiale qui s'est placée aveuglément dans des actifs que l'on croyait solides », dit Maurice de Boisséson, chez Octo Finances. Qui poursuit : « C'est pour cela que le cataclysme pourrait, en 2011 comme en 2008, venir de la chute d'un acteur non bancaire, comme une grosse compagnie d'assurances qui n'a pas la possibilité de se refinancer auprès d'une banque centrale. » Même dans le bilan des banques, on ne sait pas vraiment où sont ces titres, ni comment ils sont comptabilisés, tant la cuisine comptable des banquiers est devenue une indigeste tambouille. Expliquant, comme en 2008, le brutal changement de regard des marchés sur la menace des dettes publiques à l'égard de l'ensemble du système.

Alors, 2011, un remake de 2008 ? Ça y ressemble ! Comme en 2008, les banques centrales sont sur le pont, injectant à tout-va les liquidités dont l'économie a besoin. Même si, il y a trois ans, la BCE arrivait encore à exiger des États qu'ils fassent leur boulot en recapitalisant, voire en nationalisant leurs banques. Cette fois, leur niveau d'endettement est tel, qu'il ne leur permet plus de s'ériger en sauveurs de la dernière heure. Sauf pour ceux qui, comme aux États-Unis ou en Angleterre, ont mis leur banque centrale à leur service pour monétiser leur dette en faisant tourner la planche à billets, et considèrent qu'à long terme, on sera tous morts. En Europe, on n'y est pas encore tout à fait, même si on n'en est peut-être plus très loin : à la BCE de financer les banques, d'acheter les titres souverains dont plus personne ne veut, et d'essayer de maintenir, cahin-caha, une zone monétaire unique malgré la transgression constante de ses règles de fonctionnement !

Cache-misère

Comme en 2008, on va donc soutenir le système bancaire et assurer la liquidité. Et probablement qu'en 2012, on permettra aux banques, comme en avril 2009, de prendre encore plus de libertés avec les règles comptables, en un mot de truquer leurs comptes, pour faire remonter la Bourse et revenir la confiance. On aura alors, une fois encore, colmaté le système financier avec quelques Rustine bien calibrées.

Mais, comme en 2008, ce ne sera qu'un cache-misère destiné à dissimuler l'essentiel : on n'a pas résolu les problèmes de fond, à l'origine même de la crise, et qui sont devenus si gros que l'action des banques centrales ne peut suffire. « En 2008, si on a sauvé les banques, ni l'État américain, ni la Fed ne sont parvenus à résoudre la crise immobilière américaine, à l'origine même de la crise et qui continue à peser sur l'économie », souligne encore Maurice de Boisséson. Qui poursuit : « En 2011, personne non plus n'est en mesure de résoudre les problèmes de dettes publiques, désormais trop énormes pour être absorbés autrement que par un appauvrissement généralisé. »

La question sera à l'ordre du jour du conseil Ecofin de vendredi et samedi. Dans un document, cité par Reuters, un haut responsable de la Commission européenne évoque « la menace d'une contraction du crédit », la crise des dettes souveraines étant en passe de devenir « systémique », comme en 2008 celle des subprimes.

Dès lors, une question se pose : mais qu'a-t-on fait au juste en trois ans ? Transférée de l'immobilier américain aux États européens, la crise a changé d'échelle devenant économique, sociale et maintenant politique. Alors, 2011, une répétition de 2008 ? Non, c'est beaucoup plus grave. Rendez-vous en 2014 pour faire le bilan...

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