A Davos, beaucoup de brouillard, aucune boussole

Par Peter Gumbel, grand reporter pour Fortune et Time.

Dommage qu'on n'ait pas invité des altermondialistes au Forum économique mondial de Davos (Suisse) cette année. Ils n'en auraient pas cru leurs oreilles. Habituellement, le forum est la grande fête annuelle de la mondialisation. La semaine dernière, j'ai eu l'impression d'assister plutôt à une grande messe funéraire. Même si personne n'a explicitement mis en cause le capitalisme lui-même, le désespoir des 2.500 invités était palpable. On était en deuil. Ce ne sont pas que les banques qui ont fait faillite ; toutes les idées reçues de ces trente dernières années sur le bon fonctionnement de l'économie, elles aussi, ont été enterrées.

Comment expliquer autrement le bouleversement total des rôles à Davos ? Les PDG des entreprises privées qui demandent en toute urgence l'aide de l'Etat - le même Etat qu'ils méprisaient tellement avant la crise. Les financiers qui saluent l'arrivée le plus vite possible d'une réglementation sévère - plus sévère encore que les règles qu'ils avaient toujours refusées dans le passé. Les Premiers ministres russe et chinois qui donnent des leçons aux Américains sur comment gérer une vraie économie de marché. L'humilité des grands banquiers, au moins ceux qui ont toujours un emploi et qui osaient faire le voyage en Suisse cette année. Les économistes Cassandre qui sont devenus les grandes vedettes de la semaine, remplaçant les optimistes habituels.

Deux images m'ont surtout frappé durant cette semaine. D'abord, ce monsieur, un industriel qui n'est pas à ma connaissance membre d'Attac, se levant pendant un débat sur les erreurs de la politique économique et posant une question dévastatrice : "dans tous les autres secteurs de l'économie, ceux qui fabriquent et distribuent des produits toxiques sont sévèrement punis et parfois mis en prison, dit-il. Pourquoi cela n'est pas le cas dans la finance ?"

Deuxième image, la très éloquente Indra Nooyi, PDG de PepsiCo, une entreprise qui est davantage connue pour son marketing mondial extrêmement agressif que pour son sens de la déontologie. Elle prend la parole durant un débat quasiment sarkozyste sur l'économie et l'éthique. "Dans le capitalisme, dit-elle, il y une ligne très fine entre le simple profit et la cupidité." Si cela continue, l'année prochaine, on demandera à Naomi Klein et Olivier Besancenot de venir à Davos afin de justifier le libéralisme.

Pourquoi une telle messe funéraire ? Parce qu'il est beaucoup plus facile de regretter la mort d'une économie devenue folle que de préparer la résurrection d'un système plus sain. Il est plus aisé de parler des erreurs, surtout celles des autres, que de trouver des solutions à cette crise. Une crise qui a commencé dans la finance mais qui est devenue une crise économique, politique et de plus en plus une crise intellectuelle.

La dure vérité, c'est qu'à Davos, malgré la présence de gens brillantissimes, aucune réponse n'a été apportée à la question posée par Barack Obama lors de son investiture : comment recréer le monde ? Un brouillard très épais est descendu et, la semaine dernière, il manquait une boussole pour en sortir. Oui, les gouvernements ont injecté beaucoup d'argent dans leurs banques. Oui, on est en train de promouvoir une politique néokeynésienne d'investissements massifs.

Mais je n'ai trouvé personne dans cette petite ville suisse qui pouvait me dire avec confiance qu'il ou elle connaissait des solutions efficaces. En revanche, ce que j'ai beaucoup entendu, c'était des doutes et des craintes. Doutes sur la stabilité de ce qui reste du système financier. Doutes sur l'efficacité de tous ces programmes d'investissement lancés par des gouvernements. Et craintes, surtout, pour 2009, une année qui sera marquée par une hausse importante du chômage, et peut-être par une montée des conflits sociaux un peu partout dans le monde. Pour Davos, c'est inédit, et très troublant.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 6
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
Comme dans les années 30, on en viendra peut-être à faire en dernier recours du national-socialisme. En dernier recours seulement, n'est-ce pas ?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
La mondialisation a échoué. Le retour du balancier va être le protectionisme. Gérer son pays de manière a assuré son auto-suffisance alimentaire, énergétique, en biens de consommation courante comme l'habillement va être le nouveau credo.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
Nous assistons à un naufrage intellectuel du néolibéralisme dont l'intelligentsia (Philosophes autoproclamés, journalistes vedettes, Hommes politiques sans culture, économistes à courte vue, énarques formatés à la médiocrité servile, ânes polyglottes...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
Bonjour, la leçon de ce que nous vivons depuis un an ou deux est claire : personne ne sait où nous allons, et les pronostiques d'une sortie de crise fin 2009 ou courant 2010 ne valent pas plus que les assurances qui nous étaient données il n'y a p...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
FL annonce un peu vite la fin de la mondialisation ! Moi, je n'y crois pas ! Pourquoi pas le retour à la voiture à cheval et aux grands voiliers ? Nous ne dépendrons plus du pétrole !!!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
Beaucoup de brouillard, aucune boussole ! Pourtant, c?est simple : L?histoire, c?est une des plus grande escroquerie de tous les temps en monnaie de singe dans un non système monétaire depuis au moins 1970. Et bravo au monsieur qui se lève (au moins ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.