Lettre ouverte au haut-commissaire à la jeunesse Martin Hirsch

Un trentenaire, Grégoire Tirot, interpelle le nouveau haut-commissaire à la jeunesse pour fonder un nouveau pacte entre les générations. Alors qu'il dénonce l'héritage laissé par les aînés, qui n'ont pas hésité à sacrifier leurs enfants et à les cantonner à la sphère récréative. Il présente trois nouveaux socles devant permettre aux 18/24 ans de retrouver une place à part entière dans la société.

La création d'un haut-commissariat à la jeunesse est une chance qu'il faut saisir à l'heure où la jeunesse est la grande sacrifiée du "modèle" économique et social français. Le choix de l'immobilisme depuis de trop longues décennies s'est traduit par un ajustement brutal sur les jeunes générations qui subissent de ce fait la plus grande récession sociale depuis l'après-guerre : chômage (19,7% de chômeurs chez les 18-24 ans au troisième trimestre 2008), précarisation de l'emploi (20% des jeunes ayant un emploi ont un emploi temporaire contre 4% à 7% pour le reste de la population), dépenses et dettes publiques incontrôlables, système social qui risque la faillite à moyen terme, une société confite dans l'immobilisme et la défense des intérêts corporatistes, voilà l'héritage que nous laissent nos aînés.

Ce que nous ne percevons pas encore bien à l'heure où nous entrons dans l'ère du "papy boom", c'est que nous sommes aujourd'hui confrontés à un nouvel âge des inégalités fondé sur l'inégalité des âges, dans lequel la lutte des classes est sur le point d'être remplacée par la lutte des "classes d'âge". En effet, en termes de revenus, en 2004, 15,3% des hommes et 17,8% des femmes de 18 à 24 ans vivaient sous le seuil de pauvreté.

En comparaison, comme l'indique le Conseil d'orientation des retraites dans son rapport de novembre 2007, le taux de pauvreté des plus de 65 ans s'échelonne entre 6,7% et 9,1%, soit un niveau deux fois moins élevé. Entre 1992 et 2004, le patrimoine des 60-70 ans est passé quant à lui de 120% à 140% du patrimoine médian ; celui des moins de 30 ans de 7% à 4%, soit quasiment une division par deux.

Nous habitons ainsi un pays étrange où la jeunesse n'est plus une ressource mais un handicap, voire une pathologie sociale. Nous vivons dans une société qui a fait le choix de protéger ses aînés, en laissant la jeunesse sur le bas-côté de la solidarité nationale en espérant que la solidarité familiale pourvoira à l'ensemble des besoins de ses enfants. Ne nous étonnons pas alors qu'une des populations les plus à risques en matière de dépression est la tranche des 15-24 ans (enquête du Credoc, 2007), et où, à l'opposé, le sentiment de bien-être et de bonheur culmine chez les sexagénaires, comme le note l'Insee dans son Portrait social 2008.

La société française est donc devenue une société dans laquelle on observe beaucoup de devoirs et de charges pour la jeunesse, les droits pour les autres. Ce fonctionnement ne pourra perdurer longtemps, et il est par conséquent urgent de développer une politique de la jeunesse qui s'inscrive, au-delà du droit à l'autonomie revendiqué par le président de la république, dans un cadre plus global d'une refondation de notre pacte social basée sur le principe de l'équité intergénérationnelle.

Circonscrire la politique de la jeunesse à son champ traditionnel - la sphère récréative et associative ou à la sphère sociale stigmatisante de "l'insertion professionnelle des jeunes" (80 mesures différentes depuis 1973 avec le succès que l'on connaît -, c'est la promesse de l'échec. Car le problème n'est pas le jeune, mais bien le fonctionnement d'une société qui a préféré sacrifier sa jeunesse plutôt que s'adapter aux exigences du monde moderne. L'objectif est donc en premier lieu de sortir de la logique paternaliste menée à l'égard de la jeunesse tout au long de la Vème République.

Cette nouvelle politique de la jeunesse doit être transversale et fondée sur plusieurs piliers qui dépassent les clivages ministériels traditionnels. Il faut d'abord promouvoir une véritable égalité des chances par le droit à l'autonomie : il faut que l'indépendance financière des jeunes puisse être garantie en partie par l'Etat (à l'image du système des "chèques éducation" dont profitent les jeunes Danois), financée grâce au redéploiement d'une partie des crédits de la branche famille ou des avantages fiscaux familiaux. Il faut ensuite sécuriser le marché du travail de la jeunesse : pour ce faire, il faudrait tendre vers un contrat de travail unique qui mettrait fin à la dualité du marché du travail français qui oppose frontalement précaires et salariés protégés.

Il conviendrait également de mieux encadrer et de limiter l'utilisation des stagiaires, ainsi que de pénaliser l'abus de stage : sur 900.000 stagiaires par an, combien occupent en réalité un véritable emploi, le salaire en moins ? Il est urgent que les pouvoirs publics dressent un état de la situation des stagiaires en France. Il faut enfin inscrire cette politique dans le cadre d'un pacte intergénérationnel équitable : la mise en place d'un tableau de bord d'indicateurs de l'équité intergénérationnelle, comprenant un suivi de la dette publique, comme le propose le Conseil des prélèvements obligatoires, devrait être une priorité. A terme, il conviendrait de repenser notre système de retraite en le fondant sur une solidarité réciproque entre les cotisants et les retraités, afin d'éviter que le droit des uns soit un fardeau trop lourd à porter par les autres.

Monsieur le haut-commissaire, vous êtes aujourd'hui en position de préparer les conditions pour qu'une conférence nationale des relations intergénérationnelles se saisisse de ce qui sera la grande question sociale de la première moitié du XXIe siècle.

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Commentaires 4
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Ca me fait penser qu hier j ai vu un type de moins de 25 ans faire la manche dans le metro. Il etait a la rue et n avait droit a aucune aide. Pas de logement, pas d apl. Moins de 25 ans, t es pas encore un homme donc pas de RMI. A sa place j aurais...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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oui c très bien....

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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d'accord mais il faut penser aussi qu'une partie importante des retraités vivent avec moins de 700euros par mois

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Les baby-boomer ont tout gâté. Génération irresponsable et égoiste.

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