Les banques, les Etats et les crises financières

Harold James enseigne les relations internationales à la Woodrow Wilson School de l'université de Princeton, et l'histoire à l'Institut européen de Florence.

La dernière phase de la crise financière a été caractérisée par des pertes bancaires colossales et la menace persistante de nouvelles faillites. On peut d'ailleurs se demander si les petits pays peuvent se permettre de renflouer leurs banques. Mais la définition de "petit" change tous les jours. On peut se demander non seulement quelle est la taille adéquate d'un État, mais également quelle est la forme la plus appropriée de législation bancaire.

Il y a toujours eu des incertitudes concernant le meilleur système bancaire. D'un côté, on trouve l'idée - aux Etats-Unis - que les banques devaient être proches des risques qu'elles devaient évaluer. De l'autre, au Canada, on craignait moins une centralisation politique et on était prêt à accepter un système bancaire national. Le système canadien a réparti plus largement les risques et s'est mieux comporté en périodes de panique financière.

Le principe de système élargi a deux avantages. Premièrement, il permet une meilleure gestion du risque. Ensuite, il se prête mieux à une pensée stratégique à long terme concernant la direction générale de l'économie.

Mais les grandes banques s'exposent à des problèmes quand ces deux principes se confondent. Le concept de système élargi a atteint son apogée en Europe continentale, en particulier en Allemagne. Après la panique de 1907, le Congrès américain réunit une commission monétaire nationale pour qui le modèle potentiellement le plus intéressant pour les Etats-Unis était les banques supranationales allemandes, modèle imité par la Russie, le Japon, l'Italie et l'Egypte.

En 1931, même la Grande-Bretagne éprouvait des difficultés à résister au modèle allemand. La grande dépression mit fin à cette vague de mimétisme qui semblait donner la prédominance à la banque universelle. Mais, dans les années 1990, l'émulation d'autres modèles bancaires était à nouveau en vogue. Le développement d'empires financiers a débouché sur la mondialisation de la fin du XXème siècle. Une concurrence féroce s'est engagée des deux côtés de l'Atlantique et, dans une moindre mesure, dans le Pacifique.

L'intégration progressive de l'important marché des capitaux européen et la création de banques européennes transfrontalières à la suite de fusions ont donné l'impression qu'une nouvelle espèce de super-banques européennes était en train de voir le jour. De la même manière, le Japon a réagi à sa crise bancaire en créant des entités imposantes nées de fusions, tandis que, de leur côté, les Etats-Unis abolissaient une grande partie de la législation restrictive, issue de la grande dépression, concernant les opérations bancaires.

L'attrait de ce nouveau modèle était qu'il offrait une vision stratégique, saisie en premier lieu et appliquée par Robert Rubin, secrétaire au Trésor de l'administration Clinton, puis conseiller du nouveau groupe bancaire géant, Citigroup.

Mais les nouveaux mastodontes bancaires étaient intrinsèquement vulnérables en raison de l'énorme diversité et complexité de leurs transactions. Il est relativement simple pour une société transnationale d'effectuer des contrôles de qualité de ses produits. Mais, dans le cas d'une société dont les activités consistent à être un intermédiaire financier, des millions de décisions sont prises individuellement, et leurs conséquences peuvent être suffisamment erronées pour menacer l'existence même de la société.

Les récriminations ont donc commencé dès que la stratégie fit fausse route. Pour autant, la nationalisation des banques, conséquence de la crise financière, comporte le risque de voir les gouvernements décider de mettre en ?uvre d'autres stratégies.

L'idée qu'une banque puisse donner forme à l'avenir économique d'un pays, ou du monde entier, comporte les mêmes défauts que l'idée d'une économie planifiée. En fait, la période comprise entre 2007 et 2009 est l'équivalent capitaliste de l'effondrement du communisme entre 1989 et 1991.

 

Copyright : Project Syndicate, 2009.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Raisonnement OK. Je doute que les comptemteurs du veau d'or en tirent les conséquences.

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