Combattre les stéréotypes liés au sexe dans les entreprises

Par François Fatoux, délégué général de l'ORSE (Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises) et Dominique Méda, sociologue.

Le 28 novembre 2008, l'Assemblée parlementaire du conseil de l'Europe votait une recommandation intitulée ou visant à « impliquer les hommes pour réussir l'égalité entre les femmes et les hommes » en demandant aux gouvernements :
- d'éduquer les hommes et leur proposer des dispositifs qui les encouragent à prendre une part active dans les tâches qui sont traditionnellement dévolues aux femmes (éducation des enfants, gestion des affaires sociales et éducatives...),
- de promouvoir la place des femmes sur le marché du travail et leur accès aux postes de décision, et contribuer ainsi à lutter contre les inégalités salariales,
- dans cette perspective, de mettre en place des programmes spécifiques de promotion de la conciliation de la vie professionnelle et privée et de la parentalité auprès des salariés masculins dans la fonction publique, et inciter les entreprises du secteur privé à promouvoir ce type de programme.

A première vue, il peut apparaître étonnant de relier place des femmes dans les entreprises et implication des salariés masculins dans la parentalité. Les entreprises soucieuses de mettre à l'agenda les questions de discrimination ont pourtant fait le constat, lorsqu'elles ont mis en place des groupes de salariés, que les stéréotypes enfermaient pareillement les femmes enfermées dans leur rôle de mères et de fait pénalisées dans leur carrière et les hommes dont la paternité active est mal considérée et qui subissent les effets du présentéisme et d'une culture masculine des organisations.
Dans les diverses interviews qui ont pu être menées, par l'ORSE auprès de décideurs ou en face à face auprès de salariés pères dans le cadre de recherches sur les changements dans la paternité, tous ont mis en avant les pesanteurs qui figent les identités au sein des entreprises dans les processus de recrutement, l'organisation du travail ou la gestion des carrières.
Recrutement : selon le président de la CFE-CGC, quelles que soient les compétences professionnelles de la femme en face de lui, le recruteur s'interrogera : combien d'enfants présents ou à venir, quelles sont ses stratégies de mode de garde ?
Conditions de travail : le secrétaire général de la CGT considère la mixité comme une opportunité pour repenser la pénibilité de certains postes de travail et décrit « des milieux professionnels imprégnés d'une culture machiste dans lesquels oser dire que l'on souffre, c'est faire preuve de faiblesse ».
Gestion de carrière :« On a tendance à juger les femmes sur leurs réalisations et les hommes sur leur potentiel. L'ambition d'une femme peut gêner quand elle est trop marquée» remarque Laurence Danon, chef d'entreprise.
A contrario, l'entreprise exprime de fortes attentes vis-à-vis des hommes, un investissement professionnel intense, notamment en terme de temps de présence. Pour Frédéric Tiberghien, ancien chef d'entreprise, « bon nombre de dirigeants, hommes d'âge mûr, prennent pour habitude de régler la vie de l'entreprise en fonction de leurs seules préoccupations, sans beaucoup se soucier de celles des collaborateurs ».
Quant aux entretiens menés auprès de cadres pères, ils montrent la difficulté pour ceux-ci de s'investir pleinement dans leur fonction paternelle dés lors que l'entreprise ne prend pas en considération cette dimension de leur vie et que les top managers, le plus souvent chefs de famille mono-actifs, ont du mal à comprendre les aspirations et les contraintes des cadres plus jeunes dont les conjointes connaissent souvent des contraintes professionnelles aussi fortes.
Les Français ont bien intégré cette pesanteur sociologique dans les entreprises. Dans le cadre d'un sondage commandité par l'ORSE auprès de BVA, à la question « le fait de concilier travail et vie familiale, est-il bien accepté par les entreprises », les Français répondent « oui » à 60 % pour les femmes mais seulement à 22 % pour les hommes.

Ces logiques d'enfermement des sexes dans des rôles stéréotypés pénalisent aussi bien les entreprises qui ne peuvent bénéficier des atouts de la mixité, les femmes qui ne peuvent faire carrière alors qu'elles ont toutes les qualités professionnelles et les hommes qui subissent leur quotidien de travail sans pouvoir l'enrichir d'une vie extra professionnelle. Certains sociologues parlent d'un syndrome d'Atlas où, par peur de perdre son emploi, les salariés font le gros dos (pas de vague semble être leur devise, attendons l'âge de la retraite).

C'est la raison pour laquelle de plus en plus d'entreprises acceptent d'aborder de front ces problèmes et d'en faire un sujet de dialogue avec les syndicats. Des accords d'entreprise sur l'égalité professionnelle évoquent la responsabilité des entreprises pour « remettre en cause les stéréotypes culturels sur l'image des hommes et des femmes face aux contraintes familiales ».
Elles mettent en place des actions de formation de leurs managers sur la diversité pour leur prendre conscience, au travers de cas pratiques, jeux de rôle, que sans s'en rendre compte, ils peuvent discriminer.
Mais toutes ces démarches ne peuvent s'inscrire dans la durée que si la direction de l'entreprise est convaincue de la nécessité d'agir et que si au plus haut niveau l'exemplarité est de mise.
Amener les décideurs masculins dans les entreprises à témoigner personnellement de leur choix d'équilibre travail/vie familiale, en leur demandant d'exprimer les difficultés rencontrées, éventuellement leurs regrets au regard d'une carrière passée, peut libérer la parole d'un certain nombre de salariés, notamment masculins qui n'osent exprimer leur souffrance, leurs difficultés au quotidien.
La cause des femmes dans les entreprises peut être une opportunité pour redonner du sens au travail des hommes, surtout lorsque leurs compétences professionnelles s'enrichissent d'une expérience extra professionnelle, familiale et sociale.
C'est pourquoi le combat pour la remise en cause des stéréotypes de genre doit être pensé comme un enjeu stratégique de performance par les entreprises.

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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c' est quoi un travail non pénible

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Employé de la banque de France ou fonctionnaire dans un centre d'impôt.

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