L'Europe de la défense est-elle sur les rails ?

La décision de Nicolas Sarkozy de réintégrer la France dans le commandement de l'Otan relance le débat sur les relations Europe-Etats-Unis en matière de défense. L'émergence, face à la crise, d'une Europe politique, poussée en avant par la récente présidence française, offre à l'Union l'occasion de redéfinir le dialogue transatlantique et de promouvoir avec nos amis américains une "nouvelle alliance", estime Joachim Bitterlich, ancien conseiller diplomatique et de sécurité auprès du chancelier Helmut Kohl.

Les crises des derniers mois ont montré une Union européenne mûrie, capable de vouloir défendre ses intérêts vitaux. Belle d?un jour ou nouvelle donne ? Le doute reste permis, vu la persistance de divergences guère dissimulées, le nombre de grands chantiers non résolus et le fait que ces progrès récents résultent de la performance d?une seule présidence et en particulier d?un président, Nicolas Sarkozy, particulièrement engagé.

Cela vaut également pour le domaine sensible de la politique de défense et de sécurité, où les conditions d?une percée politique au plus haut niveau attendue depuis tant d?années semblent pour la première fois de nouveau réunies. Depuis 1999, nous avons bâti des institutions et été témoins d?un nombre croissant d?opérations militaires sous l?égide de l?Union. Mais nos réponses ont toujours été partielles, plus institutionnelles que sur le fond, sans aller jusqu?au bout de la question cruciale : celle de la relation entre l?Alliance atlantique et la défense européenne.

La présidence française a su faire avancer de manière pragmatique et considérable la coopération au sein de l?UE dans une série de domaines : lancement d?une future flotte européenne de transport aérien, d?une unité multinationale pour le futur avion de transport A 400 M, de l?interopérabilité aéronavale européenne, relance d?une politique spatiale ou de celle de l?armement.

L?annonce de Nicolas Sarkozy de vouloir réintégrer complètement la France au sein de l?Alliance atlantique, allant de pair avec le renforcement de la défense européenne, a décrispé le débat : la défense européenne doit-elle être complémentaire ou autonome, voire indépendante de l?Alliance ? Quels sont les mécanismes qui permettront de bâtir une nouvelle confiance entre l?Union européenne et l?Amérique du Nord ?

Ce débat renaît au moment même où un nouveau président américain est appelé à surmonter les impasses multiples dans lesquelles son prédécesseur, George W. Bush, a amené nos amis américains. Sortir les troupes américaines d?Irak, atteindre des avancées décisives dans le règlement du conflit israélo-palestinien, éviter une prolifération nucléaire hors de contrôle, retrouver une relation de confiance avec l?Europe, la Russie, la Chine? Sans oublier que l?Alliance atlantique, noyau dur traditionnel de la politique internationale américaine, semble vivre dans une crise permanente.

Depuis la fin du bloc communiste, elle a plutôt choisi la fuite en avant par des élargissements progressifs, au lieu de prôner, parallèlement, le renouveau de son contenu à la lumière d?un environnement international complètement bouleversé. La guerre en Afghanistan, devenue en quelque sorte sa "raison d?être", et son échec à créer une relation de partenariat avec la Russie, conduit certains observateurs à voir en l?Alliance un "modèle de fin de série".

Ayons le courage de réaffirmer au nouveau président américain que nous souhaitons bâtir avec lui non seulement un véritable partenariat entre l?UE et les états-Unis, comprenant à terme un espace économique et financier transatlantique, mais aussi un dialogue permanent sur les sujets cruciaux internationaux d?intérêt commun. Adressons-lui le message que les pays membres de l?Union et membres de l?Otan souhaitent créer avec lui une "nouvelle Alliance".

Disons-lui de manière franche que nous voulons une Europe forte, capable si nécessaire de défendre seule ses intérêts et en même temps une nouvelle alliance avec les états-Unis, une défense européenne pouvant agir seule après consultation sérieuse avec nos alliés américains ou ensemble avec eux à travers l?Otan.

Ayons le courage d?annoncer, accompagné d?un calendrier concret :
? que nous voulons parachever la constitution d?une défense européenne, portée par un groupe d?états engagés et où chaque état membre est invité à y contribuer suivant ses moyens ;
? que nous allons fixer ensemble nos objectifs prioritaires sur la base de la stratégie de sécurité développée en commun et y attribuer les moyens militaires nécessaires ;
? que nous allons compléter les institutions militaires nécessaires, en particulier par un centre permanent de planification des opérations, progressivement en mesure de mener des opérations militaires ;
? que nous allons former des unités communes et procéder à des spécialisations entre alliés européens ;
? et que nous allons mettre en ?uvre une révolution européenne dans le domaine de l?armement en conjuguant nos forces dans la recherche, dans le choix d?armes et la formation d?une industrie commune d?armement.

Vision utopiste des conclusions du Conseil européen des 11 et 12 décembre derniers ? "En route vers l?inconnu" ? Non, il s?agit simplement de la réponse européenne nécessaire aux défis de ce nouveau siècle, d?un accord à portée de main si nous acceptons enfin nos intérêts vitaux et notre responsabilité commune pour nos nations et si nous avons la volonté politique pour le faire.

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