La réunion du G20, vu de mon supermarché G20 !

Grand reporter pour "Time" et "Fortune", Peter Gumbel (*) livre sa lecture particulière du nouvel ordre financier mondial.

Le centre ExCel dans les "docklands" de Londres, où la réunion du G20 a eu lieu jeudi dernier, ressemble à un hypermarché à la fois surdimensionné et tristement vide. A la fin de la réunion, les participants étaient visiblement soulagés d'avoir évité un résultat aussi exempt de contenu. En effet, le G20 s'est bien mis d'accord sur quelques points importants, n'en déplaise aux Cassandre qui prévoyaient un échec ou même une bataille acharnée France-Allemagne contre Etats-Unis-Angleterre.

Le communiqué final donne surtout l'impression que les hommes et femmes politiques du monde sont conscients de la gravité de la crise actuelle et ont trouvé des pistes prometteuses pour s'en sortir. Les applaudissements suivirent très vite, de la part de la Bourse, mais aussi de la presse. Le grand titre à la une du Figaro : "Une symphonie du nouveau monde", était un exemple de réaction typique le week-end dernier.

N'exagérons pas. L'importance de cette petite journée de travail (la réunion ne dura que cinq heures, photos de famille et déjeuner inclus) est surtout symbolique. Le fait que les leaders des pays les plus importants soient capables de se mettre d'accord sur une stratégie est un signe encourageant dans un monde en désarroi. Ceci dit, la confiance que la réunion a inspirée est plus importante que les détails techniques, dont la plupart restent à peaufiner.

Prenons ce chiffre de 1.100 milliards de dollars, le montant des engagements financiers annoncés par Gordon Brown. Le Premier ministre britannique est connu en Angleterre pour son habileté à manipuler les chiffres. En regardant les sommes de plus près, en effet, on a du mal à comprendre si c'est de l'argent nouveau ou pas. On veut multiplier par trois les ressources du Fonds monétaire international, mais actuellement on n'a dans la caisse que 175 des 500 milliards de dollars promis, grâce à deux chèques déjà libellés par le Japon et l'Europe. Barack Obama serait-il capable de convaincre le Congrès de dépenser 100 milliards de plus ? Douteux.

On annonce la fin du secret bancaire, mais concrètement on n'oblige pas la Suisse et les autres "paradis" à faire beaucoup plus que la plupart ne font déjà, c'est-à-dire aider les enquêtes judiciaires internationales au cas par cas.

Que faire pour stabiliser ces grandes banques toujours en difficulté, une question qui reste au c?ur des soucis du monde financier ? Rien n'a été dit. Et enfin, la "moralisation" du capitalisme ? C'est la grande préoccupation de Nicolas Sarkozy, on le sait, mais au G20 on s'est plutôt mis d'accord sur quelques principes de réglementation internationale des marchés financiers. Des changements très techniques et d'une efficacité encore à prouver.

Le bilan de ce G20 reste donc difficile à juger. Ce n'est ni dans les ministères ni à la bourse qu'on verra si la réunion a vraiment changé les esprits. C'est dans la rue. Dès mon retour à Paris je suis donc allé au supermarché G20 le plus proche, afin d'acheter des yaourts et de mesurer le pouls d'un monde en colère.

Vu de "mon" G20, l'optimisme post-Londres est prématuré. Au supermarché, on reste préoccupé par les prix des produits qui ne baissent jamais, n'en déplaise aux économistes qui nous parlent de la déflation. Au supermarché, on ne connaît pas bien le travail du FMI, et on n'apprécie pas les subtilités des normes comptables internationales. Par contre, on a peur pour son emploi. On ne comprend pas pourquoi les banquiers qui ont créé tous ces problèmes n'ont pas été punis. Que les Suisses soient devenus les boucs émissaires, c'est très bien. Mais qu'est-ce que cela a à voir avec la "crise des subprimes" que l'on considérait comme déclencheur de la crise il y a quelques mois ?

Bravo, donc, aux leaders du G20 de Londres. Vous avez mieux travaillé que prévu. Mais, ce n'est que le début. Afin de vraiment rassurer le monde que vous faites une bonne politique, il faut aller bien au-delà des déclarations de Londres et toucher le peuple dans mon G20 de quartier.

(*) Auteur de "French Vertigo" (Grasset)

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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les opinions peuvent se reveler niaises face aux leurres des réalitées;le g20 est fait pour calmer les angoisses des "peuples et intervenants";on jette en pature quelques mesurettes pour amuser la galerie,comme toujours "les vrais rapports de forces"...

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