Aides publiques aux entreprises : un contrat sous conditions

Avec la crise économique, le débat a été relancé sur les entreprises qui décident de fermer et de licencier leur personnel alors qu'elles ont bénéficié d'aides publiques pour favoriser leur développement. Nombre d'observateurs estiment nécessaire une législation afin que les pouvoirs publics puissent récupérer ces aides. Or, la loi actuelle permet de le faire, sous certaines conditions.

Le remboursement des aides publiques accordées aux entreprises privées réapparaît dans le débat public comme une question nouvelle pour laquelle il faudrait absolument légiférer. Or, il est déjà possible aux collectivités locales de récupérer les aides publiques qu'elles ont accordées. Cette problématique n'est ni originale ni méconnue du juge administratif qui admet le principe du remboursement des aides publiques à titre de sanction. C'est pour les collectivités d'abord affaire de volonté politique.

Une aide publique ne constitue jamais une libéralité mais comporte toujours implicitement, mais nécessairement, une condition résolutoire. L'administration garante de l'intérêt général, et du bon usage des deniers publics, est dans l'impossibilité juridique de réaliser des libéralités. Ainsi, les sommes d'argent consenties, notamment en matière d'aides économiques, ont toujours une contrepartie qui vise la poursuite de l'intérêt général. Si cette contrepartie ne se réalise pas, ou ne se réalise pas complètement, la personne publique peut exiger le remboursement des sommes versées. Les aides publiques apportées aux entreprises privées sont en effet toujours assorties d'une condition résolutoire.

À cet égard, la jurisprudence administrative précise que cette condition résolutoire ne doit pas nécessairement figurer dans l'acte juridique octroyant l'aide, de sorte qu'elle peut n'être qu'implicite. En conséquence, lorsque la condition résolutoire se réalise (l'aide n'est pas utilisée conformément à sa destination), il appartient à la personne publique de procéder à ce constat et d'en tirer les conséquences en procédant au retrait et à mettre en ?uvre la procédure de remboursement.

Pour affirmer l'existence de telles conditions implicites, le juge administratif se fonde sur la volonté présumée de l'administration qui a entendu implicitement mais nécessairement assortir les aides d'une condition résolutoire reposant sur les créations d'emplois et sur leur maintien pendant un certain temps. Le maintien de l'emploi figure toujours pour le juge parmi les obligations ainsi souscrites par l'entreprise. Mais l'implicite n'est pas satisfaisant. Il est trop risqué pour les collectivités comme pour les bénéficiaires de l'aide.

La récupération d'une aide publique nécessite une simple décision administrative de retrait. La collectivité doit cependant en mesurer les conséquences et se préparer à une résistance juridique de l'entreprise. L'aide étant conditionnée, le non-respect des obligations souscrites permet ainsi à la personne publique d'exercer son pouvoir de sanction, dans le respect toutefois des règles classiques de formes et de procédures attachées au droit de la sanction administrative. Elle prend la forme d'un acte imposant le remboursement de l'aide accordée par l'intermédiaire de l'émission d'un titre de recettes (état exécutoire) constituant la société débitrice envers la collectivité de la somme correspondant à l'aide accordée.

Selon la règle administrative du parallélisme des formes, l'exécutif local, qui est l'autorité compétente pour attribuer l'aide et qui s'est préalablement fait autoriser par l'autorité délibérante, doit se faire autoriser par la même assemblée à émettre l'acte contraire à la décision d'attribution, soit un titre de recette correspondant au montant de l'aide versée.

Dans tous les cas où l'autorité administrative a le pouvoir de prendre des sanctions, elle ne peut le faire qu'en respectant, tout à la fois, la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs (art. 1er) et la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (art. 24) offrant à l'entreprise une procédure contradictoire. En ce sens, l'entreprise doit être mise en mesure de présenter utilement sa défense, écrite et/ou orale, avant que la décision de remboursement ne lui soit notifiée. Insensiblement, on pénétrera sur le terrain de la rupture de contrat. Le mécanisme est efficace, une nouvelle loi est superflue, la volonté politique pour le faire est attendue.

Mais attention, une entreprise peut parfaitement être dans l'incapacité de satisfaire aux conditions posées lors de l'attribution de l'aide, du fait de modifications de l'environnement économique notamment, et être d'une parfaite bonne foi. La force majeure comme mécanisme juridique d'exonération des responsabilités de l'entreprise peut parfaitement être admise par le juge. Une reprise trop brutale de l'aide accordée peut précipiter la chute de l'entreprise.

En amont, l'attribution d'aide publique suppose donc une rédaction serrée de part et d'autre des conditions et modalités de celle-ci, une appréciation commune raisonnable des potentialités, la transparence des informations fournies de la part de l'entreprise, une culture du marché et un souci de sécurité juridique de la part de la collectivité. La transparence est la solution pour prévenir les contentieux et la véritable protection de l'entreprise et de ses salariés comme de la collectivité, mandataire des contribuables car il s'agit bel et bien d'un contrat.

Le juge restera dans tous les cas l'arbitre ultime du bien-fondé des obligations réciproques des parties et de leur exécution de bonne foi.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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et les allegements de charges patronales accordées genereusement par le gouvernement et que le contribuable doit payer par la suite, ce sont bien des aides publiques

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