Alternance à la japonaise

Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

Les Japonais ont refermé hier le chapitre de l'après-guerre. Les électeurs ont infligé plus qu'une sanction, une répudiation au Parti libéral-démocrate (PLD) qui gouvernait le pays pratiquement sans interruption depuis 1955, c'est-à-dire trois ans après la fin de l'occupation américaine. Les causes de ce désaveu n'ont rien de surprenant : les Japonais souffrent de la crise économique qui a fait monter le chômage à un sommet historique le mois dernier, et ne sont pas convaincus de l'efficacité d'un plan de relance constitué pour l'essentiel de grands travaux.

Les Français reconnaîtront la question très débattue ici il y a quelques mois : faut-il relancer par la consommation ou par l'investissement ? Yukio Hatoyama, chef du Parti démocrate du Japon (PDJ), a répondu clairement : ce sera moins de béton et davantage d'argent pour les familles. Les Japonais ont apprécié et ont voté en masse pour le PDJ. La véritable énigme de cette alternance à la japonaise réside moins dans l'élection d'hier que dans les six décennies précédentes.

Ce pays moderne doté d'une constitution parlementaire, d'une presse puissante, d'élections libres et transparentes, n'a pas jugé utile, à l'exception d'un bref moment en 1993, de retirer le pouvoir aux caciques du PLD, contraints dans le pire des cas à former une coalition. Ce n'est pas faute d'avoir connu des mauvaises passes économiques, avec plus d'une décennie de relative stagnation, ou politiques : le pouvoir du PLD a eu son lot de scandales.

Mais le légitimisme japonais a la vie dure : "essayez-nous, si on ne vous plaît pas vous n'aurez qu'à voter contre nous la prochaine fois", a même expliqué Yukio Hatoyama pour convaincre les électeurs de sauter le pas. Lui-même n'a rien d'un homme neuf : il vient du PLD, son père était ministre, l'un de ses grands-pères était Premier ministre et l'autre a fondé les pneus Bridgestone. Ce qui ne l'empêche pas de tenir un discours effectivement nouveau quand il parle de faire du Japon une société fraternelle et moins hiérarchique.

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