Politique et Economie : point de Mur

Par Eric Izraelewicz, directeur de la rédaction de La Tribune.

Avec la chute du Mur, une nouvelle idéologie s'était imposée au monde, celle de la mort du politique. Le Mur avait été emporté par une vague d'une puissance inouïe, celle du marché. Face à cette vague, aucun pouvoir politique n'était en état de résister. Partout, l'économie finissait par imposer ses lois. D'inspiration finalement très marxiste, cette idée a alimenté deux essais très influents : "la Fin de l'histoire", de Francis Fukuyama, et "Le monde est plat", de Thomas Friedman.

Il n'y avait plus de frontières, plus d'idéologies, plus de cultures, plus de religions, plus de nations. Il n'y avait plus qu'un vaste marché mondial. Un an plus tard, un événement venait pourtant contredire cette thèse?: c'était la décision du chancelier allemand, Helmut Kohl, de retenir la parité entre le deutsche mark et le mark est-allemand pour la réunification des deux Allemagnes. Une grave erreur, un non-sens, une folie?: que n'a-t-on pas entendu à l'époque dans la bouche des meilleurs experts économiques?! Ce choix allait à l'encontre des "lois" de l'économie. Il allait condamner l'Allemagne et l'Europe à la catastrophe.

L'économie finirait par prendre sa revanche. Et il est vrai que ce choix était osé. En termes strictement économiques, le mark de l'Est valait à peine le quart du mark de l'Ouest. Les critiques les plus virulents étaient bien sûr les gardiens de l'orthodoxie financière, les banquiers centraux. Un an après la chute du Mur, en octobre 1990, la politique faisait ainsi un retour spectaculaire. Vingt ans après, on ne peut qu'applaudir à la pertinence de ce choix. Certes, la parité a demandé un effort considérable à l'Ouest - mais la réunification n'a-t-elle pas aussi demandé beaucoup à l'Est ?

Pour les "Wessies", le coût, ce fut de la dette, des taux d'intérêt élevés, un chômage accru. Mais les cinq Länder de l'Est ne sont pas devenus le Mezzogiorno de l'Allemagne, comme on avait pu le craindre. Certes, dans ces länder, la vie reste plus difficile, le chômage plus élevé, la nostalgie de l'ancien régime y est vivace. L'écart avec l'Ouest s'est néanmoins fortement réduit. La politique a imposé sa loi à l'économie. Avec succès.

La chute du Mur ne signe finalement en rien la fin du politique. On dira au contraire que cet événement ne fait que confirmer la subtile dialectique qui existe entre politique et économie. Dès que l'une prétend l'emporter sur l'autre, c'est le risque d'explosion. La crise d'aujourd'hui en est une autre illustration. Les "lois" de l'économie et la "loi" du politique sont condamnées à cohabiter longtemps. Tant qu'il y aura des hommes?!

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Commentaires 3
à écrit le 09/11/2009 à 22:29
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L'économie florissante de l'Ouest a renversé le mur, et a permis de reconstruire l'Est par une OPA "amicale" de 3X le pris du Mark est-allemand. Une telle offre se refuse difficilement... C'est effectivement un choix "politique" dont un banquier n'a...

à écrit le 09/11/2009 à 10:55
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Chute du Mur, 20 ans déjà ! Et si ' La fin de l'Histoire ' était le début de la ' Grande Cata ' ? Cette question trouvée sur le portail suisse Pnyx.com rappelle opportunément, vingt ans plus tard, le grand débat engendré par le célèbre article 'La ...

à écrit le 09/11/2009 à 9:02
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La puissance du marché n'est qu'une illusion due à la vacuité des politiques. Qu'une bulle spéculative éclate et on voit tous ces escrocs des multinationales et du libre échange venir demander aux états de les sauver avec l'argent des contribuables.P...

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