Copenhague ou pas, il faut une météo du carbone

En matière de réchauffement climatique, ce n'est pas le PIB par tête qui compte mais le PIB total. Il importe donc d'inciter les pays émergents à épouser la cause de la croissance décarbonée et rendre plus efficaces les mécanismes de compensation. Pour cela, un système de mesure fiable et transparent des émissions est nécessaire : une véritable météo mondiale du carbone rendue possible par un réseau de capteurs terrestres et des satellites d'observation. Le projet est ambitieux mais son coût resterait marginal à l'aune des bénéfices attendus.

Ne pas aboutir à un accord n'est pas le principal risque du sommet de l'ONU sur le climat à Copenhague. Le pire serait que seuls les pays développés s'entendent. Un accord sans les pays émergents serait contre-productif car il encouragerait ces derniers à poursuivre un processus de développement sans contrôle de leurs émissions de gaz à effet de serre. La Chine ou l'Inde seraient très heureuses de laisser aux pays riches la charge de la politique climatique, pour mieux se concentrer sur l'objectif d'assurer à leurs habitants un niveau de vie occidental.

Or, s'il peut paraître normal de laisser la facture aux principaux responsables des émissions anthropiques depuis un siècle, l'Europe et l'Amérique du Nord, même unies, seront impuissantes face à de tels comportements. En matière de réchauffement climatique, ce n'est pas le PIB par tête qui compte mais le PIB total, et celui de la Chine pourrait bientôt rattraper celui des États-Unis.

Pour inciter les pays émergents à épouser la cause du changement climatique, le protocole de Kyoto a notamment mis en place des mécanismes de développement propre (MDP). Le principe est de créditer aux entreprises des pays signataires les réductions d'émissions engendrées par leurs projets d'investissement dans les pays en développement. Ces projets sont acceptés s'ils permettent des réductions mesurables et durables. Mais l'estimation des résultats obtenus étant une opération difficile et coûteuse, force est de constater que le programme MDP n'a pas connu l'essor que l'on attendait.

A ce jour, seuls 1.800 projets ont été accrédités. De plus, des effets pervers d'un tel système ont été soulignés. Il n'incite pas les pays émergents à mettre en place une réglementation verte, et l'on ne sait jamais si les réductions obtenues ici ne s'accompagnent pas d'une nouvelle activité polluante ailleurs : une délocalisation régionale de la pollution en quelque sorte. Cette suspicion est renforcée par le fait que la comptabilisation des émissions nationales est du ressort des États.

Pour permettre un développement significatif des compensations telles que celles envisagées par le mécanisme de développement propre, un système de mesure fiable et transparent des émissions est nécessaire. Le développement d'un système de surveillance environnementale par satellite, constitué d'un réseau de capteurs terrestres et complété par des satellites d'observation de nouvelle génération, a notamment été proposé dans le cadre du grand emprunt. Une véritable "météo" mondiale du carbone, qui mesurerait fréquemment l'évolution des concentrations de dioxyde de carbone et autres gaz à effet de serre dans l'atmosphère, et les relierait aux émissions polluantes des différents pays. Il deviendrait ainsi possible de quantifier de manière crédible, pays par pays, l'effort financier nécessaire pour compenser les conséquences climatiques des émissions de gaz.

Un tel système rendrait également les autres instruments économiques de lutte contre l'effet de serre plus efficaces, que ce soit un marché de quotas nationaux négociables ou une taxe carbone mondiale. S'il est en effet nécessaire d'associer un prix unique à la tonne de carbone, ce prix doit être fiable. Un peu plus d'un an après la crise financière, il est acquis que l'absence d'informations transparentes et crédibles peut secouer les marchés et entraîner les prix loin de leur valeur fondamentale.

Un système international de mesure des émissions est un projet ambitieux en termes technologique et financier, les satellites représentant à eux seuls plus de 1 milliard d'euros, et il devra être mis en place dans le cadre d'une coopération internationale. Néanmoins, le coût est marginal si on le compare aux différents bénéfices associés à ce système. La participation des pays émergents à l'effort de réduction des émissions en est notamment un.

L'économiste William Nordhaus estime ainsi que, dans le cadre d'un accord de limitation à court terme de la hausse de la température moyenne de 2 degrés, le surcoût pour les dix pays les plus polluants, s'ils sont seuls à s'entendre, sera de 1.600 milliards d'euros. L'ensemble des bénéfices induits est évalué par une étude récente réalisée au Laboratoire d'économie des ressources naturelles de l'Ecole d'économie de Toulouse (TSE) en partenariat avec Thales Alenia Space.

Enfin, un système de surveillance serait particulièrement efficace s'il était géré par une agence internationale du carbone. L'information sur les émissions des différents pays lui permettrait de mettre en place une gouvernance mondiale de la politique climatique. Même s'il ne devait pas y avoir d'accord global à Copenhague, la création d'une telle agence, dotée des moyens de ses ambitions, constituerait pour les pays développés un objectif pragmatique, première étape de la mise en place d'une politique efficace contre le changement climatique.

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