Après la cellule de régularisation, quelle lutte contre la fraude  ?

Par Vincent Drezet, secrétaire national Union Snui-Sud Trésor Solidaires.

Tout en proclamant la fermeture de la cellule de régularisation créée au printemps dernier, le ministre du Budget a annoncé que les services fiscaux travailleront sur les "évadés fiscaux" avec le souci de favoriser les régularisations. La cellule avait pourtant été annoncée comme devant être incitative puisque, après sa fermeture (et un bilan somme toute significatif), le contrôle fiscal doit s'appliquer "dans toute sa rigueur" (selon le ministre). L'esprit de la régularisation devrait lui survivre. Ceci soulève plusieurs questions.

Assiste-t-on à un changement de pied ou à une simple adaptation en douceur ? L'avenir le dira. Il faudra déjà voir, bilan précis et qualitatif à l'appui, le niveau des droits récupérés (l'impôt éludé "régularisé") et celui des pénalités et des intérêts de retard qui auront été appliqués. Ce bilan doit tout à la fois concerner spécifiquement la cellule de régularisation mais doit être également alimenté, sur le long terme, par le résultat des contrôles fiscaux diligentés cette année. Ceci montrera si les cas qui ont bénéficié de la cellule de régularisation ont été traités différemment ou non de ceux qui l'auront été après sa fermeture d'une part, et quels auront été les profils régularisés d'autre part. En l'absence de points d'étape et de tels bilans, c'est la stratégie mise en place dès la fin 2007 par le gouvernement et le président de la république qui serait, à juste titre, discutée et contestée.

Au fond, l'enjeu est clair ; l'administration fiscale doit lancer des contrôles fiscaux efficaces et de qualité. Pour cela, elle doit aussi s'en donner les moyens. Au-delà de la question de la volonté politique (et on a vu que cette question était sensible au sein de la majorité...), tout cela montre aussi la faiblesse des moyens (juridiques, humains et matériels) en matière de lutte contre la fraude fiscale.

L'enjeu n'est pas mince : si, faute de moyens et/ou de volonté politique, le contrôle fiscal "dans toute sa rigueur" consiste à appliquer les mêmes recettes qu'une cellule "dérogatoire" au droit commun (puisque le niveau des pénalités et des intérêts de retard appliqué est inférieur à ce qui est prévu par les règles juridiques applicables), alors ne parlons plus de contrôle fiscal (du moins pour ceux bénéficiant de "l'esprit" de la régularisation...) ; adieu Code général des impôts et place à la négociation, au profit de celui qui disposera d'une surface financière suffisamment solide pour obtenir une régularisation à un "bon prix". L'attractivité remplacerait alors définitivement la lutte contre la fraude mais il faudrait changer d'urgence le pacte social...

Ne tombons pas non plus dans le procès d'intention. Le ministre a peut-être voulu évoquer la possibilité pour un contribuable d'utiliser, à sa demande et sous conditions, une procédure portant le même nom que la cellule ("régularisation"), un terme qui peut être source de confusion. Cette procédure, codifiée au Livre des procédures fiscales, présente au moins un mérite, elle est juridiquement encadrée. Elle a d'ailleurs été utilisée à 3.700 reprises en 2008.

Le contrôle fiscal vit donc des heures décisives, les enjeux sont immenses. Que vont devenir les quelques nouvelles mesures (intéressantes mais limitées) votées dans la loi de finances rectificative ? Va-t-on tester les conventions fiscales dont les signatures ont été bruyamment signées - parfois rapidement comme le cas suisse l'a montré ? Quelle sera la stratégie de la France et de l'Europe vis-à-vis de la fraude fiscale ? Considère-t-on vraiment que "les paradis fiscaux, c'est fini" au risque de les banaliser et, finalement, de les renforcer ? En ce début 2010, tout est encore sur la table : la crise n'est pas finie, les paradis fiscaux sont encore actifs et le contrôle fiscal attend toujours une orientation et des moyens à la hauteur des enjeux.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.