"En tant qu'acteur social, le Medef a été aux abonnés absents"

Chaque semaine, La Tribune décrypte une phrase ou une citation qui marque un temps fort de l'actualité politique, sociale ou économique.

"S'il y avait un dixième du talent de l'état-major de la CGT au Medef, les choses iraient mieux?", lance, fin décembre, dans Le Parisien, le consultant et essayiste Alain Minc. En janvier, dans une interview au Figaro, il récidive : pendant la crise, "les chefs d'entreprise ont bien fait leur travail. Ils ont géré avec efficacité et doigté l'adaptation de leur entreprise. Je n'en dirai pas autant du patronat, qui, en tant qu'acteur social, a été aux abonnés absents pendant toute l'année 2009".

Dans un contexte de crise aiguë au Medef, ces petites phrases assassines, de la bouche d'un consultant écouté à l'Elysée, ont eu un écho certain. Même si, prises à la lettre, elles relèvent plus de la provocation que d'une observation impartiale. "Ces propos sont totalement faux", s'insurge le leader de FO, Jean-Claude Mailly. De fait, en 2009, le Medef a signé dix-sept accords avec les partenaires sociaux, dont certains, comme celui sur le chômage partiel, ont limité les effets dévastateurs de la crise sur le tissu social. Et il n'a pas ménagé sa peine pour aider les entreprises à négocier avec leur banquier ou à échapper à la dure loi des assureurs crédit. En tant qu'acteur social, il aurait ainsi plutôt montré "un grand sens des responsabilités", selon Jean-Claude Mailly.

"Un bien mauvais procès", confirme Xavier Lacoste, directeur d'Altedia. Alain Minc se pose donc en juge d'une réalité que, à l'évidence, il ignore. L'intérêt de son propos est donc ailleurs. Appelé à s'expliquer, il préfère ne pas répondre. Reste à tenter de saisir ce qu'il y a derrière les mots. A cinq mois de l'élection du leader patronal, en juin 2010, assez tôt donc pour que la campagne de discrédit donne son plein effet, ses mots résonnent comme un pilonnage en règle de la présidente du Medef. Et ce dans une stratégie tout à fait maîtrisée, comme l'indique la répétition d'interventions qui ont suivi sa "Lettre ouverte à mes amis de la classe dirigeante" de mars dernier, reprochant à Laurence Parisot de ne pas avoir usé de son autorité morale pour interdire bonus et "stock options" en 2009.

S'il appuie aujourd'hui sa man?uvre de déstabilisation, c'est que le consultant, dont l'audience depuis l'affaire des stock-options d'Antoine Zacharias chez Vinci est plus forte à l'Elysée que dans le monde patronal, est certain de ne pas aller contre le vent dominant au Palais : on y tonne contre le refus de la présidente du Medef de suivre Nicolas Sarkozy sur la limitation des rémunérations des dirigeants, contre son insatisfaction affichée sur la réforme de la taxe professionnelle ou encore ses revirements sur la taxe carbone.

En clair, elle y est jugée "peu fiable". Minc nous le fait savoir, Laurence Parisot a perdu le soutien de l'Elysée. Mais ses propos ne font pas que refléter les humeurs du Palais : il agit par le verbe et se met au service du chef de l'Etat. Primo, en flattant la CGT, il aide un président qui compte s'appuyer sur ce syndicat pour faire passer sa grande réforme des retraites. Secundo, en étrillant une présidente du Medef très fragilisée, il lance une "autorisation de tuer" qui laissera tôt ou tard le terrain libre pour une candidature à sa succession, alors que, à ce jour, seul le patron d'une PME, Thibault Lanxade, est sorti du bois. "Pour qui roule Alain Minc ?" est la question qui revient sur toutes les lèvres, alors que personne ne le crédite d'une remarque désintéressée. Avant tout, pour lui-même.

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Commentaire 1
à écrit le 11/01/2010 à 18:39
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De ce que j'ai vu de Laurence Parisot à l'apogée de la crise, elle ne valait pas grande chose Souvenez vous de la crise Valerié Segond et le rôle, voire responsibilités du MEDEF pour avoir créer la crise?

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