Quand les bonus servent de bouc émissaire

La décision de surtaxer les bonus est choquante sur le principe et contraire au principe du droit. Elle permet certes aux gouvernements de se dédouaner à bon compte de leur responsabilité dans la crise mais cette imposition fiscale va à l'encontre de l'objectif affiché, celui de renforcer les fonds propres des banques. La seule solution pour y parvenir est pourtant d'alléger le fardeau fiscal pour permettre aux contribuables d'investir.

Les gouvernements britannique et français ont décidé en décembre 2009 de taxer les bonus, en principe de manière exceptionnelle. Ces décisions sont choquantes car elles constituent des atteintes graves aux principes juridiques de base d'une société libre et aux réalités économiques.

En effet, elles ont tout d'abord un caractère rétroactif puisque le prélèvement fiscal effectué à ce titre en 2010 portera sur les bonus de l'année 2009. Or, ces bonus avaient été librement décidés de manière contractuelle entre leurs bénéficiaires et les établissements financiers dans l'ignorance du fardeau fiscal à venir. Le principe de non-rétroactivité - qui repose sur le respect des intentions des parties contractantes - est donc mis à mal. Il en résulte par ailleurs la création d'un climat d'incertitude néfaste puisqu'on peut légitimement penser - à partir de l'expérience actuelle - que les autorités publiques peuvent à tout moment réduire de manière considérable la rentabilité des activités humaines. Ces décisions constituent également une atteinte grave au principe de non-discrimination des citoyens devant l'impôt, puisque ces taxes nouvelles frappent seulement une catégorie de professionnels et leurs rémunérations. Cela devrait faire prendre conscience du caractère fondamentalement arbitraire du prélèvement fiscal.

Bien sûr - même si cela n'est pas affirmé officiellement - ces mesures ont un caractère punitif à l'égard d'activités et de personnes que les gouvernements ont souvent rendu responsables de la crise financière. Mais une sanction ne devrait être infligée que par des autorités judiciaires et après avoir fait la démonstration de la culpabilité de ceux qui sont sanctionnés et donc après les avoir écoutés. Tous ceux qui sont quelque peu soucieux des principes du droit et de moralité devraient donc s'indigner de la procédure utilisée.

En outre, si le comportement de certains financiers pouvait apparaître comme répréhensible, ceci ne signifie pas que le comportement de tous l'est également et il est donc profondément immoral de sanctionner financièrement des individus ou des institutions parce qu'ils appartiennent à une catégorie que l'on rend responsable (à tort ou à raison) de certains maux. En poursuivant dans une telle voie, on en viendrait à sanctionner tous les coureurs cyclistes sous prétexte qu'ils appartiennent à une catégorie dont certains membres ont recours au dopage !

En réalité, en s'en prenant ainsi aux bénéficiaires de bonus, les gouvernements cèdent à la facilité de désigner un bouc émissaire et ceci d'autant plus facilement qu'on est arrivé à persuader la majeure partie de l'opinion que l'avidité de ces personnes était responsable de la crise. Or, cette crise trouve sa source dans les abondantes liquidités déversées par les autorités monétaires au début du XXIème siècle. Ce faisant, elles ont créé d'extraordinaires opportunités de profits dans le secteur financier, mais elles ont aussi incité à des prises de risque excessives auxquelles beaucoup de financiers ont malheureusement cédé. Mais n'est-il pas moralement choquant de punir ceux qui ont simplement profité des erreurs publiques ?

On justifie aussi ces mesures en disant qu'il est normal que les gouvernements fassent payer, pour l'assurance ainsi fournie, le sauvetage des banques. Or, il en est ainsi parce que les banques centrales et les gouvernements ont toujours proclamé qu'il était de leur responsabilité d'empêcher les faillites bancaires - ce qui est d'ailleurs contestable - mais elles n'ont jamais évoqué à l'avance la possibilité de se faire payer pour ce service dont on prétend qu'il serait "d'intérêt général". Et pourquoi toutes les banques ou tous leurs traders devraient-ils être ainsi surimposés, même s'ils n'ont pris aucun risque excessif et n'avaient donc aucune raison de compter sur l'assurance implicite fournie par les autorités monétaires et financières ?

On prétend enfin qu'en taxant les bonus, on incite les banques à diminuer la rémunération de leurs traders et donc à utiliser les fonds ainsi économisés pour augmenter leurs fonds propres. Or, pour retenir leurs meilleurs éléments, les banques sont surtout incitées à augmenter la part fixe de la rémunération fixe aux dépens de la part variable, ce qui ne correspond pas nécessairement à une structure de rémunération optimale. Mais il est surtout paradoxal de penser que les banques vont pouvoir augmenter leurs fonds propres alors même qu'on leur impose un prélèvement fiscal considérable ! 

Si l'on veut vraiment renforcer durablement les fonds propres des banques, ou de toutes les entreprises, il existe une seule solution : alléger le fardeau fiscal, ce qui permettra aux contribuables de dégager une épargne plus importante et de la placer en fonds propres.

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Commentaire 1
à écrit le 16/01/2010 à 16:53
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c q f d sur populisme économique

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