Un sermon pour les patrons

Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

Si l'on croise, dans une antichambre ministérielle, un homme à la mine défaite, les épaules ployant sous le poids du remords, pas d'hésitation?: c'est un grand patron. Il vient d'être convoqué par sommation publique pour s'expliquer de sa conduite devant un ministre, voire, pour les cas graves ou les récidivistes, devant Sarkozy lui-même. Patrick Pelata, de Renault, accusé de délocaliser la production de la Clio dans la Turquie lointaine. Baudoin Prot, de la banque BNP Paribas, blâmé pour asphyxier les entreprises. Didier Lombard, incriminé à cause de la série de suicides chez France Télécom. Sans parler de la patronne d'Areva et du nouveau dirigeant d'EDF, soumis à la question par les députés pour justifier, l'une sa stratégie, l'autre son salaire.

Très probablement, leurs chauffeurs ont été contraints de regarder dans l'annuaire pour connaître l'adresse du ministère de l'Industrie ou de celui du Travail. Voilà des années que les dirigeants d'entreprise n'allaient plus dans les ministères. C'était au contraire les politiques qui subissaient, tout sourire, les admonestations patronales sur l'excès de charges, l'enfer réglementaire ou le provincialisme français qui ne pouvait résister face à la mondialisation. Le vent tourne, à cause de la crise. Les patrons ne s'occupaient que de leurs comptes, voici que la société leur demande des comptes.

On pourrait bien sûr se gausser de notre ministre de l'Industrie, Christian Estrosi, professionnel de la rodomontade, et brocarder ses effets de manche. Pourtant, Estrosi a raison?: dans le dialogue que la société entretient avec l'économie, c'est toujours la première qui a le dernier mot, à toute époque, dans tous les pays. On observe d'ailleurs ces évolutions aussi en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis. Si la société est moins tolérante sur les libertés accordées aux entreprises, celles-ci seront contraintes de s'adapter. Nous pourrions bien être au début d'un mouvement idéologique rétrograde qui, tel le pendule, a peu de chance de se stabiliser sur le juste milieu.

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Commentaires 3
à écrit le 17/01/2010 à 12:53
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moi je suis optimiste, les grands patrons sont sur la voie de la rédemption; j'entends déjà le choeur des anges louant leur sainteté.

à écrit le 16/01/2010 à 19:39
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C'est de la poudre aux yeux.... J'ai croisé dans un avion (vol Paris-Tunis) un gars de chez PSA qui m'a dit qu'il n'avait jamais autant délocalisé que depuis qu'il y avait la crise.... Le patron de mon groupe (Zodiac aerospace) n'a qu'un mot d'ordre ...

à écrit le 16/01/2010 à 17:23
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En effet il est grand temps qu'a la tête de l'Etat on " sermone les délocalisateurs ", mais comme la télé. n'en parle pas ce ne doit pas être encore une évolution dans le sens " production Française " ou " fait en France ". La délocalisation en Tur...

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