Des commissions et des fromages

Par Sophie Gherardi , directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

"Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 246 sortes de fromages ?" Telle serait la citation exacte du général de Gaulle qui circule depuis cinquante ans avec toutes sortes de chiffres (200, 300, 365). Des vrais fromages à base de lait, il y en a donc beaucoup en France. Mais il y en a infiniment moins que des fromages administratifs qui, eux, dépassent le demi-millier.

Les fromages réels et les fromages métaphoriques, du point de vue de la gouvernabilité, sont de signe inverse. Là où le produit laitier entrave, la prébende facilite. Pour un président ou un ministre, créer une commission ad hoc, c'est calmer autant d'ambitions qu'il y a de membres. Mais cela peut servir aussi, selon les cas, à canaliser autant de bonnes volontés, à occuper autant de casse-pieds, à mobiliser autant d'énergies, à faire réfléchir autant d'esprits, à paralyser autant d'ennemis, à récompenser autant d'amis, à faire taire autant de rouspéteurs

Menace sur le patrimoine français

Il arrive même que cela rende de véritables services à la société. Un outil aussi miraculeux que la commission, que l'on peut très bien appeler conseil (ou haut conseil), autorité (ou haute autorité) a bien sûr vocation à être utilisé sans retenue. Cela peut à l'occasion être employé dans des jeux de pouvoir au plus haut niveau.

C'est le cas du Haut Conseil de la science et de la technologie (HCST) que François Fillon a installé vendredi à Matignon. Il existait depuis 2006 un HCST placé, lui, auprès du président de la République. Il faut croire qu'un enjeu était encapsulé dans ce Haut Conseil puisqu'il a été officiellement tué ici pour renaître là, sous la direction du célèbre climatologue Jean Jouzel, d'ailleurs membre du défunt HCST.

Il est rarissime que les commissions soient ainsi euthanasiées. Sauf quand l'impératif budgétaire devient trop pressant. En 2009, 545 commissions créées par voie réglementaire au fil des années ont été rayées d'un trait de plume. Et quand la nouvelle liste a été publiée au "Journal officiel" du 7 juin, elle comptait 211 organismes de moins. Quelque chose du patrimoine français a été anéanti dans l'indifférence générale.

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Commentaire 1
à écrit le 17/01/2010 à 16:07
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Jolie Madame, pourquoi culpabiliser les lecteurs ? " le patrimoine français anéanti dans l'indifférence générale ", est-ce que ce " patrimoine " servait ? Vous savez comme-moi que, à tous bouts de champs des commissions étaient créées pour enterrer ...

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