Les pièges de la sortie de crise

C'est le recours systématique à l'endettement bon marché qui a été à l'origine de la crise. Gare à ne pas tomber dans le même piège en voulant à tout prix renouer avec la croissance : il n'y aura pas de retour à une prospérité pérenne sans cure de désendettement des entreprises françaises, comme des acteurs publics.

La sortie de crise apparaît fragile et timide. Comme souvent dans ces circonstances, elle reste handicapée par les facteurs qui ont conduit à la crise mais aussi par les instruments mis en place pour en sortir. Il faut d'abord revenir aux origines de cette crise violente, souvent oubliées dans le tumulte d'événements spectaculaires. Ce ne sont pourtant ni les bonus des traders, ni Madoff ni les activités de Lehman Brothers qui expliquent cette récession. Les responsabilités écrasantes sont celles des facilités budgétaires et monétaires mises en oeuvre pour soutenir sans retenue l'activité au tournant des années 2000. L'endettement de tous les acteurs - Etats, ménages, entreprises et institutions financières - a ainsi explosé dans la dernière décennie, rendant la survenance d'une crise majeure quasiment inévitable.

Cherchant à empêcher la récession attendue après une période de croissance exceptionnelle qui s'est achevée avec l'explosion de la bulle Internet et le 11 septembre, ces politiques expansionnistes ont engendré une crise qui, aujourd'hui, pèse double. Une crise majeure pour le prix de deux, l'actuelle et celle évitée il y a près de dix ans. Les innovations financières pas ou mal régulées de ces dernières années n'ont fait que faciliter l'accumulation de risques en prolongeant artificiellement cette expansion de la dette et en précipitant donc d'un peu plus haut la chute de l'activité. Mais même si l'épisode de tension dramatique de l'automne 2008 avait été évité, la récession était inéluctable.

Après la mise en oeuvre de mesures d'urgence un peu partout, le risque serait aujourd'hui de ne pas parvenir à sevrer les acteurs économiques du recours croissant à la dette. Et que la volonté louable de renouer rapidement avec une croissance forte conduise cette fois encore à ne pas engager les efforts nécessaires au retour à une situation plus saine.

Or, dans de très nombreux pays, le niveau d'endettement des ménages et des entreprises et, surtout, l'envolée de la dette publique avec la crise rendent indispensable une décrue forcément douloureuse de ces facilités. Il n'y aura pas de retour à une croissance pérenne sans une cure de désendettement, ce "deleveraging" de l'économie qu'analyse une excellente étude récente.

Pour l'économie française, les défis de la période qui s'ouvre sont considérables. Tout d'abord du point de vue de ses finances publiques, qui entrent dans une sorte de "triangle des Bermudes" avec une dette publique qui devrait dépasser les 90% du PIB en 2011, un déficit public de plus de 8% cette année et surtout, contrairement à d'autres pays dont l'endettement a également bondi, un niveau de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires considérable. Sauf à entreprendre un effort sans précédent sur les dépenses des collectivités locales, de l'Etat et de la protection sociale, le risque est majeur de voir le coût de la dette n'autoriser ni désendettement, ni baisse pourtant essentielle de la pression fiscale en faveur de la compétitivité.

Mais l'effort à accomplir touche aussi les entreprises françaises, dont le niveau d'endettement, à 110% du PIB en 2008, est aujourd'hui l'un des plus importants parmi les pays industrialisés. Il handicape naturellement l'investissement et le développement, la charge des intérêts à acquitter pouvant menacer à terme leur position concurrentielle. Des situations de liquidité critique, sans rapport avec les fondamentaux économiques de certaines entreprises, peuvent justifier des souplesses exceptionnelles. Mais ce n'est pas dans l'exhortation à une hausse du crédit aux entreprises que réside leur salut, bien au contraire. L'urgence est aujourd'hui de rééquilibrer le financement des entreprises en faveur des fonds propres. C'est également le moment de privilégier les rapprochements d'entreprises par échange d'actions, sans nouvel endettement.

La seconde priorité concerne l'export. L'économie française a moins souffert que d'autres en 2009 en partie pour de mauvaises raisons, notamment sa plus faible exposition à l'exportation dans des activités industrielles qui se sont effondrées à l'échelle internationale fin 2008. C'est pourtant de la demande soutenue des pays à très forte croissance, qui n'ont eux pas besoin de procéder à ce désendettement, que viendra une part du redressement des marges des entreprises occidentales, et donc leur capacité à surmonter la dette par leur croissance.

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