Le dilemme des banques centrales

Par Marc Fiorentino, Stratège d'Allofinance.com.

J'ai un tuyau pour vous. Même en cette période de hausse du chômage, il y a un job que je ne vous conseillerai pas d'accepter en ce moment. Même s'il est bien payé et qu'il vous donne droit à une belle voiture de fonction et des remboursements généreux de frais de réception... Celui de patron de banque centrale !

Franchement, leur vie est devenue un cauchemar quotidien. On aurait pu penser que le pire pour eux était la crise et la gestion de la crise. Mais non. Car quand la crise arrive, le petit guide du « banquier central » est très clair, depuis ses éditions révisées après la crise de 1929 : mettre les taux à zéro, inonder le pays de liquidités et faire tourner la planche à billets. Seulement voilà, les chapitres « sorties de crise » sont beaucoup moins clairs. Et en plus, chaque pays est confronté à une situation spécifique.

Si les solutions sont complexes, la problématique est, elle, d'une simplicité totale : le rebond de l'économie n'est pas spectaculaire et tout le monde, même les économistes (c'est un peu inquiétant d'ailleurs que les économistes soient d'accord...), penche pour une reprise molle sur le moyen terme. Qui dit reprise molle dit hausse du chômage ou, au mieux, stagnation de l'emploi. On le voit aux États-Unis. On le voit en Europe. On l'a vu cette semaine en Grande-Bretagne avec la hausse surprise du chômage.

Si la reprise n'est pas au rendez-vous, toute hausse des taux d'intérêt, ou tout retrait massif de liquidités, provoquera une rechute brutale du malade à peine entré en convalescence. La conclusion semble donc simple : les banques centrales ne doivent pas toucher aux taux et continuer à faire tourner la planche à billets. Mais il y a un problème : les liquidités déversées par les banques centrales n'ont pas atterri dans l'économie réelle. Elles ont pris directement le chemin des marchés financiers et ont provoqué l'inflation de certains actifs risqués, une inflation qui pourrait se transformer en inflation par les prix. Le risque semble éloigné à l'heure où le mot déflation est sur toutes les bouches, mais c'est un risque qu'un bon banquier central ne peut ignorer. Là encore, l'Angleterre a donné le mauvais exemple cette semaine avec une inflation en base annuelle de 3,5 %.

 

Autre problème, de taille celui-ci : la mécanique de la planche à billets. Les banques centrales achètent les obligations émises par le Trésor du pays. Tant que les taux restent stables, tout va bien. Si les taux à long terme remontent, ou pire, en cas de krach obligataire, le stock d'obligations des banques centrales voit sa valeur fondre et la perte qui en découle va sur le bilan de la banque centrale pour finir sur le budget de l'État concerné ! Des budgets déjà bien mal en point.

Alors chacun y va de sa méthode. Côté Banque centrale européenne, c'est la stratégie de l'intimidation : Jean-Claude Trichet adopte le langage de la fermeté par rapport à l'inflation mais ne bouge pas les taux d'intérêt. Les Anglais eux, ont décidé, après des débats vifs et houleux au sein de la Banque d'Angleterre, d'arrêter de faire tourner la planche à billets. Et dans la nuit de jeudi à vendredi, la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, a tenté une expérience pour tester les marchés : la hausse du taux d'escompte, de 0,5 % à 0,75 %. Une hausse sans impact réel car l'escompte est peu utilisé par les banques et que le réel taux directeur est le taux des Fed funds, mais une hausse symbolique et en forme d'avertissement. Les marchés ont très mal réagi dans un premier temps, mais il faudra juger cette tactique sur les semaines qui viennent. Elle sera suivie de près par tous les banquiers centraux, qui, si les Bourses ne chutent pas violemment, emboîteront le pas. En attendant, le niveau de stress au travail atteint des sommets dans les banques centrales et on voit peu d'amélioration de leurs conditions de travail en 2010... Pauvre Jean-Claude, pauvre Ben et pauvre Mervyn !

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Commentaires 2
à écrit le 22/02/2010 à 21:16
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Les banques centrales n'ont malheureusement pas le choix.

à écrit le 22/02/2010 à 9:23
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Tant que l'inflation n'apparaît pas, la Banque centrale peut laisser ses taux très bas (rendre le crédit peu coûteux donc augmenter la masse monétaire) et le gouvernement peut émettre des obligations d'Etat, pour financer ses dépenses (faire marcher...

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