"L'Europe doit instaurer des écluses sociales et environnementales"

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Dans le rapport du Parti socialiste sur ses 54 propositions pour "refaire de la France une grande nation industrielle", Guillaume Bachelay, secrétaire national à la politique industrielle, proche de Laurent Fabius, revient sur une idée qui lui tient à coeur : dans un monde globalement protectionniste, que peut faire l'Europe, sinon "instaurer des écluses sociales et environnementales pour rétablir les conditions d'un juste échange, par des droits de douane appliqués sur les produits qui ne respecteraient pas les normes internationales".

A quelques jours des états généraux de l'industrie, le PS relance le débat sur les effets de la mondialisation sur le tissu industriel et social, un thème cher... à Nicolas Sarkozy, qui s'est successivement prononcé pour un renforcement de la préférence communautaire, la lutte contre les délocalisations, la taxe carbone aux frontières et, plus récemment, pour l'application des normes de l'organisation internationale du travail dans le cadre de l'OMC. Si personne n'ose encore endosser le mot protectionnisme, le dogme du libre-échange commence à se fissurer.

"Le fait que le PS, auparavant plutôt acquis aux thèses du libre-échange, se mette, à l'instar de Nicolas Sarkozy, à employer des mots comme cela, c'est une rupture historique", avance Christian Stoffaës, membre du cercle des économistes. "Le débat est clairement posé à gauche comme à droite. À ce titre, il existe une certaine convergence d'analyse", confirme Marc Crapez, chercheur en sciences politiques. Mais le lobby libre-échangiste demeure puissant et chacun avance à pas mesuré. "S'il faut invoquer le protectionnisme, le mieux est de ne pas en parler", prévient Olivier Pastré, professeur à Paris-VIII, qui fait ses comptes : 17 pays du G20 ont pris des mesures clairement protectionnistes en dépit des déclarations du G20.

C'est aussi le jeu traditionnel du pouvoir. "Si vous ne gardez pas la menace latente de rétorsions protectionnistes, vous n'êtes plus une entité que l'on respecte", explique Marc Crapez. Mais pour l'heure, l'Europe semble toujours peu encline à céder aux sirènes d'un protectionnisme "new look". "Je ne vois rien chez nos partenaires européens qui pourrait laisser penser que le débat sur la préférence communautaire soit relancé", soutient Olivier Pastré, pour qui la meilleure protection reste l'attaque, autrement dit la compétitivité de nos entreprises. Idem pour la taxe verte aux frontières, fraîchement accueillie à Bruxelles.

Pour Christian Stoffaës, le débat apparaît plus virulent aux Etats-Unis : "il s'inscrit dans le bras de fer entre les Etats-Unis et la Chine et sur les questions d'énergie et de climat." Lionel Stoléru, ancien secrétaire d'Etat, est plus radical : l'Occident n'est plus seulement une victime du dumping social mais de "nouveaux concurrents talentueux et redoutables". Et plutôt que de se laisser entraîner dans une spirale de protections et de rétorsions, il appelle à un "G4" commercial entre les Etats-Unis, l'Europe, la Chine et l'Inde, pour trouver la voie "d'une croissance soutenable du commerce international". Revoir les règles, c'est aussi, dans un sens différent, ce que souhaite le député PS Pierre-Alain Muet : "il faut pénaliser les entreprises qui ne respectent pas les normes internationales et financer en parallèle le développement du Sud." L'enjeu, rappelle-t-il, est de bâtir une mondialisation responsable.

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