Grèce  :  de l'"hybris" à la Floride... via le marathon

Si le programme du FMI pour la Grèce est sévère, l'auteur estime qu'il est possible de ramener la dette de 120% à 100% du PIB d'ici à 2020. Mais il faudra aller plus loin. Il préconise que la Grèce se spécialise dans l'accueil des riches retraités européens, comme la Floride, et qu'elle s'engage dans un vrai plan de paix avec la Turquie, condition pour mettre fin à des dépenses d'armement trop importantes.

La Grèce survivra à la crise actuelle. Mais, après des années de démesure ("hybris") dans la gestion des finances publiques, les Grecs vont devoir accomplir leurs travaux d'Hercule. Comprenez : nettoyer leurs écuries d'Augias. Ce sera aussi long qu'un marathon économique. Mais à la fin, ce ne sera pas le Styx (fleuve des morts), mais plutôt la vie dans la riche Cité européenne. En Grèce, le coeur du problème est l'écart divergeant entre, d'une part, les promesses multiples émises par les gouvernements à leur population et, d'autre part, une production de richesse nationale qui n'a pas suivi le rythme des promesses : toute cette hybris de promesses se retrouve dans les retraites, déficits et dette publics, déficits extérieurs (de 10% du PIB ou plus).

Le programme du FMI pour la Grèce annoncé ce week-end est sévère : une réduction du déficit budgétaire de 10 points de PIB en deux ans. Mais il est nécessaire : la Grèce avait le choix entre le saut à l'élastique sans élastique, à savoir le défaut de paiement, et la sortie de la zone euro, et la lutte gréco-romaine avec airbags, c'est-à-dire la restructuration de son économie avec le soutien du FMI et de l'UE. Elle a choisi la lutte grecque. Bravo à Georges Papandréou !

Selon mes calculs, il est possible de ramener le niveau de dette de la Grèce de 120% à 100% du PIB (voire moins) en 2020. Mais cela suppose de ramener les déficits publics de 14% à 0% du PIB en cinq ans. Et de s'y tenir, jusqu'à 2020 au moins. Mais ce n'est pas tout. Le programme du FMI devra être suivi d'une réduction supplémentaire du déficit budgétaire de 4 points de PIB entre 2012 à 2015.

Est-ce possible économiquement alors qu'il faut en même temps restaurer la compétitivité de la Grèce, en baissant salaires et prix ? Ce sera difficile, un vrai marathon, mais possible avec de vigoureuses politiques de l'offre. La bonne nouvelle ici est que la Grèce a de très larges marges d'amélioration de la productivité dans le secteur public et privé. Elle a aussi un modèle tout évident à suivre : la Floride. Il serait illusoire de faire la Silicon Valley au bord de la mer Egée.

En revanche, la Grèce devrait suivre le modèle floridien (comme le suggérait Olivier Blanchard pour le Portugal en 2006) : une spécialisation dans l'accueil toute l'année de touristes riches ou relativement riches - en particulier les seniors - venus d'Europe du Nord. Ici la Grèce a des avantages comparatifs olympiens : patrimoine antique exceptionnel, mille et une îles magnifiques, des kilomètres de côtes à profusion, une mer bleue et chaude, le régime crétois... Encore faut-il organiser ce tourisme avec les services dont ont besoin ces seniors : services à domicile, sécurité, santé... le tout en anglais et en allemand. Ici le potentiel de croissance est énorme, surtout avec l'allongement de la vie en bonne santé en Europe et avec l'érosion à venir des retraites, sachant qu'il est moins cher de prendre sa retraite dans le Péloponnèse qu'à Hambourg, Londres, Stockholm ou Amsterdam.

La deuxième bonne nouvelle est que les Grecs vont devoir penser sérieusement à terminer la guerre de Troie et à conclure une paix véritable avec la Turquie. Les dépenses militaires représentaient récemment 6% du PIB en Grèce (5,5% en Turquie), contre 2,5% en France et en Grande-Bretagne et 1% ailleurs en Europe. Un alignement rapide sur le niveau de dépenses des petits pays comparables leur ferait gagner 5 points de PIB de déficit. Le plan FMI inclut déjà une réduction de 1 point dans ce domaine, il faut aller plus loin, jusqu'à 4%. Pour cela, une initiative de paix en mer Egée et à Chypre devrait être lancée par la France et la Grande-Bretagne (amies des Grecs) et par les Etats-Unis (principal allié des Turcs).

Tout cela est à portée de main et tout à fait faisable, comme me l'expliquait récemment un député grec, Ioannis Kassoulides, ancien ministre des Affaires étrangères de Chypre, entre 1997 et 2003 : "mais deux obstacles demeurent : indemniser l'armée turque et les colons turcs pour leur retour en Turquie ; et régler le différend des frontières maritimes entre Grèce et Turquie en mer Egée, avec l'aide de la diplomatie européenne et avec des observateurs militaires européens garants de la paix et de la confiance entre les deux Etats." Voici une suggestion digne d'Athéna pour Nicolas Sarkozy, Gordon Brown et Angela Merkel en vue du sommet européen de la semaine prochaine.

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Commentaire 1
à écrit le 04/05/2010 à 8:23
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Cet article traduit une méconnaissance des réalités économiques de la Grèce dont les activités réalisés en dollars ont été plombées par l'euro fort : surévaluation de 30% . Tous les économistes s'accordent pour évaluer le taux réel Euro/dollar à 1,05...

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