Une étude d'impact s'impose pour les jeux en ligne

Par Martina Barcaroli, avocate à Paris et à Rome (Vovan & associés).

La loi sur les jeux en ligne a été promulguée le 13 avril dernier sans qu'une véritable étude d'impact ait été lancée sur les conséquences sociales et économiques de ces dispositifs sur le marché français des jeux. L'importance de cette analyse est pourtant indiscutable au vu de la croissance exponentielle de l'offre et de la demande dans les pays qui ont libéralisé ce secteur. En Italie, dont l'ouverture à la concurrence est effective depuis la fin 2006, le marché a explosé de 90% pour atteindre un volume de mises de 3,8 milliards d'euros l'an dernier, que se partagent 60 opérateurs. Et quelque 200 nouvelles licences pourraient être bientôt accordées.

Selon les prévisions de la société de conseil MAG, le marché des jeux en ligne pourrait ainsi dépasser les 30 milliards d'euros de mises en 2012 ! En France, sans compter le marché illégal des jeux en ligne, les paris s'élèvent actuellement à 1 milliard d'euros, en hausse de 30% en 2009, pour seulement deux opérateurs et un panier de jeux très limité. La proximité des marchés italien et français permet donc d'anticiper une croissance du marché hexagonal similaire à celle de l'Italie. On peut alors mesurer l'impact que risque d'avoir la récente ouverture de ce secteur.

Or, si le développement d'une activité économique régulée des jeux en ligne peut favoriser la croissance et l'emploi et contribuer à marginaliser les sites illégaux, il ne faut pas oublier que ce secteur peut également susciter de légitimes inquiétudes. On peut craindre le développement de la fraude et du blanchiment d'argent mais, plus grave encore, une augmentation de l'addiction aux jeux de hasard dont on sait qu'elle frappe tout particulièrement les jeunes et les personnes en situation de fragilité.

La loi française, qui se réclame d'un texte "d'équilibre", prévoit certes des dispositifs de surveillance et de sanction. Mais il est difficile de dire aujourd'hui si ces garde-fous seront suffisants. L'évaluation de leur efficacité est donc cruciale. Le législateur a pris en compte cette exigence en instituant un comité consultatif des jeux, chargé d'émettre, après concertation, des avis sur le fonctionnement du marché des jeux de hasard. De plus, il est prévu que soit remis, dans dix-huit mois, un rapport au parlement sur les effets de la loi et que le Conseil supérieur de l'audiovisuel fasse de même sur les effets de la publicité en matière de jeux en ligne. Le tout est de savoir si ces travaux constitueront ou non une véritable étude d'impact des coûts/bénéfices sociaux.

Ces études sont fréquemment pratiquées dans les pays anglo-saxons qui, sous ­l'influence de l'Ecole de Chicago, font un usage étendu de l'analyse économique du droit. Aux Etats-Unis, ces coûts sociaux ont été estimés entre 9.000 et 50.000 dollars par joueur et par an ! Une étude d'évaluation serait d'autant plus légitime en France que le projet de loi a été déposé avant la réforme constitutionnelle qui impose une ­étude d'impact avant le dépôt d'un projet de loi.

L'objectif était d'aller vite afin que le texte soit adopté avant la Coupe du monde de football. Une étude d'impact permettra aussi de mieux définir les frontières du nouveau texte selon les catégories de jeux. Il est en effet difficile aujourd'hui d'identifier les activités libéralisées ou non, avec, à la clé, de nouveaux contentieux à venir. Cette étude pourra également être le support d'un nouveau ­texte destiné à lutter plus efficacement contre le blanchiment, l'addiction ou l'offre illégale et de préciser le champ des jeux couverts par la loi. Toutefois, les rapports qu'elle a prévus ne sont pas attendus avant la fin de l'année 2011, ce qui rend impossible toute adaptation législative avant les élections de 2012. La réglementation en matière de jeux en ligne est donc une question encore en suspens.

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