Un nouveau business model pour l'État

Par Pierre Lasry, président du directoire et fondateur de LowendalMasaï.

Il y a quelque temps, une PME éditrice de jeux vidéo, frappée comme toute petite entreprise par la tempête économique, semblait résignée à réduire sa voilure et à se séparer de deux ou trois collaborateurs pour passer ce cap difficile. Après avoir examiné ses comptes, il est apparu que son crédit d'impôt recherche, estimé dans un premier temps à 200.000 euros, atteignait en réalité 1,2 million d'euros ! Dès lors, la situation s'est inversée puisque, au rebours de ce qui était programmé, cette PME n'a pas licencié mais elle a au contraire embauché des développeurs et est repartie à l'offensive.

Ce cas certes anecdotique doit nous prévenir contre des jugements trop hâtifs, qui ne tiennent pas compte de la réalité vécue par les entreprises. On trouvera sans doute un ou deux cas de crédit impôt recherche "ambitieux", montés à la hâte ou pas totalement justifiés, mais gare aux généralisations ! Il serait très dommageable de passer au rabot le crédit d'impôt recherche qui n'est pas une "niche fiscale", contrairement à ce qu'on a pu entendre récemment, mais bien au contraire un puissant dispositif d'incitation à l'innovation qui a maintes fois fait la preuve de son utilité. Un danger bien compris par Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, qui a récemment rassuré les industriels sur la volonté du gouvernement de maintenir ce que l'on devrait plutôt baptiser "niche d'investissement". C'est pourquoi il faut la déconnecter des indispensables réductions de coûts imposées par la conjoncture.

Nous vivons désormais dans un monde ouvert où la plupart des pays modernes se recentrent sur leurs missions régaliennes, tout en nous imposant de profonds changements dans la gestion publique. Quelle entreprise pourrait tenir longtemps avec un endettement de 80%, un déficit chronique de 8% et des prévisions de croissance d'environ 1% seulement ? Et qui voudrait y investir ses économies ? C'est pourquoi, même si "comparaison n'est pas raison", nos responsables politiques feraient bien de s'inspirer de ce qui s'est fait dans les entreprises. Trop souvent, en France, quand on parle de réduction des coûts, on imagine tout de suite qu'elles seront au détriment des salariés avec, au mieux, des suppressions de postes, voire, purement et simplement, des licenciements. Les consultants qui aident à la réalisation de ces économies sont d'ailleurs souvent affublés du terme péjoratif de "cost killer", une terminologie anglo-saxonne qui claque comme une menace. Consultants qui, au passage, ne sont rémunérés qu'en pourcentage des économies générées.

Pourtant, la discipline de l'optimisation des coûts a aujourd'hui toute sa place dans la gestion des dépenses publiques. L'État pourrait réaliser des économies sur de nombreux postes tout en préservant son capital humain, qui reste le bien le plus précieux d'une organisation ? entreprise comme administration ? et sans lequel elle ne serait qu'une coquille vide, un arbre mort. Acheter mieux, moins et moins cher, s'assurer de l'exhaustivité des recettes, adopter des pratiques de gestion plus rigoureuses, rationaliser l'utilisation de matériels (informatique, parc automobile, entretien des bâtiments...) sont autant de leviers potentiels d'optimisation, générateurs d'économies significatives pour un État qui continuerait d'assumer l'ensemble des missions de service public sur lesquelles il est attendu. L'une des véritables chances du pays, c'est cette nouvelle génération de hauts fonctionnaires, souvent passés par des séjours à l'international, qui n'ont pas une vision dogmatique de la fonction publique. Ils savent que les bonnes pratiques ne sont pas l'apanage des entreprises privées mais qu'une part du génie collectif est en chacun de nous.

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