Comment refonder notre système de santé  ?

L e gouvernement prépare un nouveau plan de redressement pour l'assurance-maladie, le 44ème depuis 1975, avec au menu son lot de déremboursements. Certes, la Sécurité sociale a souffert de la crise côté cotisations. Mais le problème reste celui des dépenses. Nous proposons de remettre le médecin au cœur du système en accélérant son informatisation, de réformer le traitement des affections longue durée et de renforcer la prévention.

Le parlement va aborder la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) alors que le déficit de l'assurance-maladie devrait atteindre 13 milliards d'euros en 2010. La croissance ne permettra pas de résoudre miraculeusement les problèmes de financement de la Sécurité sociale (le déficit du régime général devrait être de 26 milliards d'euros en 2010). Il faut donc s'interroger à nouveau sur ce que doivent être les priorités d'une réforme du système de santé en France.

La loi Bachelot de 2009 a utilement mis en place les agences régionales de santé (ARS) et donné de nouveaux instruments pour rationaliser l'offre hospitalière. Depuis le plan Durafour de décembre 1975, la loi Bachelot (HPST) a néanmoins été le 44ème plan de réforme de la santé en France. Si l'on veut éviter le vote d'un énième plan, aussi transitoire que les précédents, il faut traiter trois questions trop longtemps négligées : quelle doit être la place du médecin dans le système de santé ? Faut-il s'attaquer aux grandes masses ou se perdre dans une myriade de cas particuliers ? Comment mettre en oeuvre une véritable politique préventive ?

Le médecin est naturellement l'élément central du système car dans sa relation en tête à tête avec le patient, il a la double responsabilité de poser le bon diagnostic et de prescrire le traitement le mieux adapté à sa pathologie. Cela suppose de donner à cet acteur central tous les moyens techniques pour accomplir sa tâche essentielle : accès à toutes les découvertes médicales, connaissance du dossier médical et pharmaceutique du patient.

Il faut donc permettre que le "colloque singulier" qui caractérise l'acte médical soit assisté par les moyens techniques modernes intégrés dans une approche systémique et en temps réel. Or, nos 55.000 généralistes prescripteurs, s'ils sont presque tous équipés d'un ordinateur, ne l'utilisent souvent que pour exécuter des tâches administratives. Il faut passer de cet usage limité à un outil d'intelligence et de valeur ajoutée : un poste médical informatisé (PMI) comportant le dossier médical et pharmaceutique du patient, doté d'un logiciel d'aide à la prescription (LAP) s'appuyant sur une base de données médicamenteuses (BDM), des référentiels et des fiches de bon usage des soins, tous ces éléments étant certifiés par l'autorité médicale compétente (HAS).

Sur la base d'un coût unitaire de 1.000 euros totalement pris en charge, dans le cadre d'un appel d'offres national, il n'en coûterait que 55 millions d'euros à la puissance publique alors que 1% de prescriptions supplémentaires en génériques permettrait 60 millions d'euros d'économies annuelles récurrentes. Les médecins pourraient ainsi réaliser leurs prescriptions en dénomination commune internationale (DCI) désignant les molécules et non les marques de médicaments. La Cnam reconnaîtrait cette action au sein du contrat d'amélioration des pratiques individuelles (Capi), instauré en 2009 et au succès prometteur. Nous proposons donc que l'État, dans une vision stratégique, prenne en charge l'équipement de tous les généralistes de France.

La réalité de tout système de santé dans un pays développé est qu'un nombre limité de malades, soignés par un nombre réduit de médicaments, génère l'écrasante majorité de la dépense publique. En 2008, les affections de longue durée (ALD) représentaient 62% du budget de l'assurance-maladie ; elles constituent le moteur essentiel de la croissance de la dépense depuis une dizaine d'années. Par ailleurs, 500 médicaments, sur les près de 12.000 référencés, constituent 80 % de la dépense. En conséquence, nous recommandons que les autorités (HAS) accélèrent l'émission des référentiels et des avis de bon usage des soins, notamment pour les principales ALD comme par exemple les maladies cardio-vasculaires (2,8 millions de personnes) ou encore le diabète (1,6 million). Il convient de concentrer les efforts de développement du dossier médical et du dossier pharmaceutique sur les patients en ALD afin de s'assurer que les protocoles médicaux sont bien respectés.

La prévention est un élément essentiel du système de santé. Concernant le diabète, par exemple, dont la prévalence augmente de 5% par an, la prise en charge d'un prédiabétique coûte 300 à 400 euros par an alors que celle d'un diabétique coûte 5.000 euros par an. Les mutuelles auraient un rôle essentiel à jouer afin de développer des programmes de prévention adaptés - elles ont d'ailleurs largement commencé à le faire - et de les financer, à condition que les autorités reconnaissent complètement cette contribution clé à la santé publique.

Ces orientations permettraient de mieux responsabiliser les principaux acteurs du système et de concentrer leur attention sur les pathologies graves et coûteuses, afin d'atteindre une efficacité maximale de la dépense publique. Les mesures proposées ici sont d'application immédiate et peuvent trouver leur place dans le PLFSS car tous les instruments sont à la disposition du législateur, seul à même de refonder notre système de santé.

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