"Les assureurs sont matraqués en Bourse"

Le PDG d'Axa, Henri de Castries, a répondu aux questions de "La Tribune"
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Pourquoi vouliez-vous tant prendre le contrôle à 100 % de vos activités dans le Sud-Est asiatique ?

Ca nous semble être une bonne allocation de notre capital, car l'Asie offre de très bonnes perspectives de développement pour notre secteur. Axa est toujours resté dans le même métier, l'assurance et la gestion d'actifs, mais s'est développé par étapes. Après la phase de construction du groupe en France, il y a eu celle de l'essor à international dans le monde développé, en Europe et aux Etats-Unis. Enfin, depuis quelques années, Axa s'emploie à bâtir un troisième pilier dans les pays émergents.

L'acquisition de Winterthur sera la dernière dans un pays mâture ?

Pas forcément ! Et Winterthur n'était pas seulement présent dans les pays développés ! Cette compagnie suisse l'était aussi en Europe centrale et en Asie, où elle a contribué à notre développement. Mais il est vrai que l'accent sera mis désormais prioritairement sur les pays émergents.

Dans cette course aux émergents, l'Asie restera centrale ?

L'opération que nous sommes en train d'y mener est la plus symbolique. Elle présente aussi l'avantage d'être peu risquée. Nous en connaissons les activités, nous en avons nommé les dirigeants et élaboré les plans stratégiques. Mais récupérer 100 % de ces affaires nous permettra d'augmenter sensiblement la part de nos profits réalisés sur les émergents, de simplifier notre gouvernance en Asie et de bénéficier de synergies, notamment avec l'assurance dommages. Au total, nous ne sommes pas aussi gros en Asie que l'américain, devenu chinois de Hong Kong AIA ou le britannique Prudential, mais nous venons juste derrière.

Vous prenez le contrôle à 100 % de vos activités en Asie du Sud-Est et vous acceptez d'être dilué en Chine...

Cela n'est pas comparable ! Nous étions déjà en joint venture en Chine. La part de marché des assureurs vie étrangers en Chine est passée de 10 % il y a dix ans, à 5 % aujourd'hui. Il a fallu nous rendre à l'évidence. Notre objectif est de créer de la valeur en satisfaisant le plus grand nombre possible de clients. Notre accord avec ICBC nous donne la possibilité de le faire. Cette banque chinoise va nous donner accès à un réseau de distribution que nous n'aurions jamais obtenu autrement : nous parlons de 230 millions de clients potentiels.

L'opération australienne va porter à 14 % le pourcentage de vos affaires nouvelles en assurance vie, en Asie. Quel serait le pourcentage optimal ?

Ce pourcentage reflète le poids de notre activité dans les émergents en volume. Mais si vous regardez la profitabilité des nouvelles affaires, elle passe avec cette opération de moins de 20 % à près de 30 % ! Les affaires faites en Asie sont en moyenne deux fois plus profitables que dans le reste du monde. En assurance dommages, nos chiffres sont plus modestes, mais notre nouvelle organisation devrait nous donner les moyens d'accélérer. En moyenne, l'Asie croît de 7-8 % par an, quand les pays développés croissent de 0 à 3 %. Normalement, le poids des affaires asiatiques, hors Japon, devrait continuer à croitre dans le groupe. Cela modifiera progressivement les équilibres.

Il n'y aura plus de croissance dans les pays développés ?

La croissance y est moins forte, mais il y a encore des segments très attractifs. Il faut sans doute être encore plus sélectif que par le passé. Nous ne sommes d'ailleurs pas statiques sur les marchés développés ! Nous nous y séparons de certaines activités, dont nous jugeons les perspectives de croissance et de marges peu optimales comme en Australie ou en Grande-Bretagne, pour mieux nous redéployer sur des lignes de métier plus dynamiques, comme la santé ou la prévoyance. C'est une mue progressive.

Quand cette mue se traduira-t-elle dans les chiffres ?

Cela viendra progressivement. Les compagnies d'assurance réalisent l'essentiel de leurs résultats avec les anciennes affaires en portefeuille, alors que la vente de nouveaux produits se traduit d'abord par des coûts. C'est la raison pour laquelle la notion de valeur des affaires nouvelles est si importante : elle dépasse les résultats comptables annuels. Et si l'on regarde ce critère, le basculement est déjà fait.

Malgré votre diversification dans les pays émergents, le cours de Bourse a beaucoup baissé. Comment l'expliquez-vous ?

Le Cac est à la moitié de ce qu'il était en 2000. Les valeurs financières sont matraquées en Bourse. Et les assureurs en particulier sont perçus comme plus risqués. Nous traversons depuis 2008 une tempête historique. Pourtant les assureurs sont beaucoup plus transparents que ce que l'on entend : les expositions aux dettes souveraines sont ainsi en valeur de marché dans nos comptes. Et en ce qui concerne AXA, nous avons tout de même dégagé un résultat opérationnel de 4 milliards d'euros au plus fort de la crise !

Axa n'est-il pas plus sanctionné que les autres ?

Parce que le marché retient d'abord qu'Axa cumule une forte exposition aux marchés européen et américain, ainsi, qu'une présence forte en assurance vie. S'il est vrai que depuis 2009, la contexte est défavorable aux activités d'épargne, avec des taux d'intérêt au plus bas, des marchés d'actions très volatils et tendanciellement à la baisse, des incertitudes sur la capacité des Etats à rembourser leurs dettes et des risques sur la fiscalité des revenus financiers, nous restons confiants dans l'attractivité de nos métiers à long terme et l'évolution de notre chiffre d'affaires montre que nous avons fait preuve de discipline.

Cela hypothèque-t-il votre capacité à dégager des bénéfices ?

Non. Axa est le seul grand groupe européen d'assurance avec Generali à ne pas avoir traversé de crise grave depuis 10 ans. Nous avons toujours été profitables. Axa a montré sa capacité à réaliser un résultat opérationnel récurrent de l'ordre de 3,5 à 4 milliards d'euros. Nous avons aujourd'hui une bonne répartition des activités et des profits entre la vie, le dommages et la gestion d'actifs, même si cette dernière branche traverse un trou d'air. Notre résultat est environ 3 fois supérieur à ce qu'il était au début de la décennie, et la solvabilité du groupe, en norme solvabilité 1, dépasse 180%, soit des niveaux équivalents à ceux d'avant crise. Il faut donc rester sereins et confiants.

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