Comme tous les gestionnaires détenant plus de 100 millions de dollars en actions, Warren Buffett doit publier chaque trimestre une revue détaillée de ses diverses participations. Tous les trois mois, la communauté financière et les médias se posent donc la même question : qu'a donc acheté et vendu le sage d'Ohama ? On spécule alors sur la signification de ses désengagements dans Nike ou Home Depot. On y voit le signe que la transition est en marche au sein de Berkshire Hathaway, son holding financier. On interroge également le patron du câblo-opérateur Comcast, dans lequel Buffett a quasiment soldé sa participation... Bref, chaque trimestre, le portefeuille du milliardaire alimente les conversations et fait couler beaucoup d'encre.

« Les investisseurs attendent toujours cela avec curiosité mais l'impact reste limité, indique pourtant un trader du New York Stock Exchange. Il y aura bien quelques personnes ou médias pour réagir à cette information mais, globalement, les marchés n'y accordent pas une grande importance. » Pour preuve : malgré le soutien marqué de Berkshire, le secteur financier continue ainsi d'afficher des performances médiocres en Bourse. Confiant sur la reprise et sur l'amélioration du marché du crédit, Warren Buffett entrevoit des jours radieux pour les grandes banques américaines. Il vient ainsi d'entrer au capital de Bank of New York Mellon et de renforcer sa participation dans Wells Fargo. Mais les marchés, eux, continuent à jouer les Cassandre et prédisent de nouvelles difficultés. « Baser ses décisions sur celles de Warren Buffett ou d'autres investisseurs d'envergure, en pensant qu'ils disposent d'un avantage, est souvent inutile, explique un deuxième trader. Car ces investisseurs prennent des positions sur du très long terme », quand les marchés raisonnent de leur côté en mois, en jours voire en minutes. « Si vous voulez investir comme lui, il vous suffit juste d'acheter des actions Berkshire Hathaway », poursuit-il. À condition toutefois d'en avoir les moyens : un titre du holding financier du milliardaire se négocie actuellement à plus de 120.000 dollars !

Mais ne vous y détrompez pas : à 80 ans, Warren Buffett reste l'investisseur le plus influent du monde, le meilleur investisseur du XXe siècle pour la firme de consulting Carson. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en quarante-cinq ans, son holding a surperformé le S&P 500 à 38 reprises. Dans le dernier classement de « Forbes » sur les personnalités les plus puissantes, il occupe la 33e position, devançant par exemple Dominique Strauss-Kahn et le gouverneur de la Banque du Japon Masaaki Shirakawa. Toutes ses déclarations sont toujours surveillées de près. Un édito dans le « New York Times » pour saluer l'action du gouvernement pendant la crise financière ? La presse s'en empare immédiatement. Et tout le monde commente l'absence de remerciements envers Barack Obama, qu'il avait pourtant soutenu pendant la campagne présidentielle. Le jour même, CNBC lui ouvre longuement son antenne. Puis rediffuse des extraits tout au long de la journée. Et il se dit que le « papy » n'est pas encore prêt à laisser sa place...