Opérations transparence

Par Jérôme Marin, correspondant à New York de La Tribune.
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Les programmes d'urgence mis en place par la Réserve fédérale ont livré tous leurs secrets. 21.000 transactions dévoilées : les bénéficiaires, les montants, les taux d'intérêt, les dates... Tous les détails de ces opérations d'un montant colossal de 3.300 milliards de dollars, autant que le PIB de l'Allemagne en 2009. Une manne financière qui a profité aux banques et entreprises américaines et étrangères, mais aussi aux autres banques centrales. À qui exactement ? Pour le savoir, il suffit de se plonger dans ces tableaux Excel, avec leurs dizaines de colonnes, leurs milliers de lignes et leurs centaines de milliers de chiffres.

Un nouveau coup de WikiLeaks ? Même pas, juste une publication officielle de la Fed. Le 3 mars 2009, pourtant, lors d'une audition devant la commission du Budget du Sénat, son président Ben Bernanke s'était refusé à la transparence. « Cela serait contre-productif », avait-il répondu aux questions insistantes de Bernard Sanders. Mais le sénateur indépendant du Vermont a finalement obtenu gain de cause, avec l'introduction dans la loi Dodd-Frank sur la régulation financière dans un amendement obligeant l'institution émettrice à rendre publiques ces données. « Le peuple américain apprend enfin les détails stupéfiants du renflouement par la Fed de Wall Street et des entreprises américaines », s'est-il réjoui.

Transparence, c'est l'un des nouveaux leitmotivs de l'administration, du Congrès, des médias, de l'opinion publique... Les temps où Wall Street pouvait agir, seule, dans son coin, à l'abri des regards indiscrets - et sous les yeux bienveillants des autorités de régulation ? - sont révolus. Sur le papier, du moins. Les grandes banques américaines devront désormais passer des « stress tests » chaque année, afin d'évaluer leur capacité à résister à l'évolution de la conjoncture et de leurs activités. La Réserve fédérale n'a pas l'obligation de publier les résultats mais les autorisations qu'elle délivrera ou non d'augmenter les dividendes témoigneront des établissements financiers en bonne santé et de ceux qui sont encore fragiles. Certains applaudissent mais d'autres se demandent bien à quoi tout cela rime. « Plus jamais ça », avait simplement promis en substance Barack Obama après la crise financière qui a conduit les États-Unis au bord du gouffre.

Très critiquée pour avoir négligé des preuves dans l'affaire Madoff, la Securities and Exchange Commission fait, elle aussi, feu de tout bois. Le gendarme boursier américain vient de lancer une vaste enquête pour mettre au clair le rôle obscur des cabinets d'experts qui conseillent notamment les hedge funds, soupçonnés de délit d'initié.

Au nom de la transparence, ces cabinets pourraient être contraints de s'enregistrer. Et la SEC va également s'attaquer au marché opaque des produits dérivés. La justice, elle, par le biais des procureurs généraux des 50 États américains, s'intéresse aux procédures de saisies immobilières. Et veut les rendre plus... transparentes. Trop, c'est trop, s'insurgent certains à Wall Street. Mais ils n'ont peut-être encore rien vu. Car WikiLeaks entend bien apporter sa pierre à l'édifice. Son fondateur, Julian Assange, a promis la semaine dernière des révélations qui pourraient faire tomber « une banque ou deux ». Mais que peuvent-elles bien encore nous cacher ?

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