La cyberchasse aux sorcières

Par Jean-Baptiste Jacquin, rédacteur en chef à La Tribune.
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De tout temps, la vérité a pu se retrouver en conflit avec l'ordre public. Que Washington considère aujourd'hui comme une atteinte à la sécurité de l'Etat, la mise en ligne par WikiLeaks de documents confidentiels est sans surprise. Que cela affaiblisse la diplomatie américaine est probable, même en l'absence de scoop historique. Mais que les entreprises américaines, emportées par un maccarthysme d'un nouveau genre, se mettent à briser les élans de sympathie à l'égard de WikiLeaks a de quoi inquiéter.

La chasse aux sorcières à l'ère Internet n'est plus très loin. Facebook, MasterCard et autres Visa ont, comme toutes les entreprises, écrit en très petit dans leurs contrats ou conditions d'utilisation une clause de retrait en cas de trouble à l'ordre public. Mais de quel trouble parle-t-on ? Les dégâts, causés par le Watergate en 1974, n'étaient ils pas plus considérables, en pleine guerre froide ? Le Washington Post et ses informateurs ne sont pourtant pas considérés comme ayant agi de façon antipatriotique. Mais WikiLeaks n'est pas le Washington Post. Le site n'est pas dans une démarche de vérification, mise en perspective ou hiérarchisation. WikiLeaks est la taupe qui livre une information brute, et parfois brutale.

C'est l'équation consubstantielle du Web. Internet donne accès, à tous, à des documents de toute nature, sans la "médiation" des médias. La transparence absolue peut être dangereuse comme la vérité peut faire des ravages. Mais vouloir contrôler cette vérité est bien plus dangereux. L'attitude de Washington à l'égard de WikiLeaks n'est au fond pas si différente de celle de Pékin quand elle a voulu limiter Google dont la transparence risquait de nuire "à l'ordre public" chinois.

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