La longue marche des trains fantômes

Par Stéphane Soumier, rédacteur en chef de BFM Business.
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Qui peut se vanter d'avoir remporté la moindre victoire ? « L'image que je prendrai, c'est celle des trains fantômes qu'il y avait à la foire quand j'étais gosse, me dit un des poids lourds de l'équipement automobile. Vous avancez sans trop savoir ce qui va se passer, avec deux certitudes : ça peut faire mal, mais vous n'avez pas d'autre choix que de continuer à avancer. » Voilà comment il raconte sa croissance en Chine, elle est réelle, « mais je sais qu'on peut me sortir du marché, un matin, sur un battement de paupières ». Jamais, lui, ne parlera de victoires : « Je vis encore chaque jour comme un sursis, depuis qu'à la fin d'un banquet très arrosé, il y a quelques années, j'ai vu le responsable automobile local informer l'un des géants européens du secteur, l'air de rien, entre deux portes, qu'il ne possédait plus aucune des usines qu'il croyait contrôler. »

J'y repensais la semaine dernière devant le patron d'Alstom Transports, il venait de signer un « partenariat » avec le ministère chinois des Transports, tellement vaste et flou qu'il permet tous les fantasmes. Il faut savoir que, depuis des années, Alstom refuse les transferts de technologie, il en paye le prix en étant quasi absent d'un marché qui explose, et le voilà soudain nanti d'une mission de développement quasi universelle ! Il y a même, en toutes lettres, l'idée de travailler en commun sur des matériels d'exportation. Alors quoi ? Alstom a-t-il rendu les armes ? « Je vous assure que non ! martèle Philippe Mellier, je vais même vous dire que ceux qui ont accepté les transferts de technologie il y a dix ans ne sont plus sur le marché aujourd'hui. » Le rapport de force a-t-il payé ? « Ce n'est pas comme ça qu'il faut voir les choses, c'est une relation qui se construit dans le temps. » On n'en saura pas beaucoup plus.

Comment ne pas penser, quand même, qu'une entreprise qui affronte une grosse turbulence s'est acheté un peu de tranquillité en vendant quelques-uns des joyaux de la couronne ? Comment ne pas penser que le paysan qui doit nourrir son bétail a dû se résoudre à couper le blé en herbe ? Procès d'intention, diront les dirigeants d'Alstom, j'en suis désolé, mais, partout dans ces deals, nous reviennent des parfums étranges. Tenez, Anne Lauvergeon, le mois dernier, là encore un « partenariat global » (à croire que c'est la mode), elle qui certifiait au printemps dernier qu'elle ne donnerait jamais aux Chinois la gestion complète du cycle nucléaire. C'est Henry Giscard d'Estaing, patron du Club Med, qui résumera l'enjeu en quelques mots. Il a fait le pari de la Chine et, quand on lui demande s'il ne craint pas, lui aussi, d'être sorti du marché dans deux ans, une fois que les Chinois auront appris ses recettes, il répond : « Je fais le pari d'être inimitable. » La phrase est magnifique et c'est la clé du grand combat qui s'engage. Qui pourra dire qu'il a la capacité d'être inimitable ?

Autre chose : je reste inconsolable du « grand emprunt public ». François Fillon a identifié les premiers projets qui profiteront des investissements d'avenir. Car René Ricol, le « commissaire général à l'Investissement », ne veut plus que l'on parle de grand emprunt, mais d'investissements d'avenir. Après tout, c'est vous l'expert-comptable, monsieur Ricol, c'est vous qui savez comment passer d'une ligne à l'autre sur le bilan. Je voudrais juste être sûr qu'en l'occurrence on ne change pas le plomb en or. Donc, François Fillon nous donne ses premières pistes... Et personne n'en parle ! C'est fou, quand on regarde les enjeux ! Ne pensez-vous pas que, si l'argent était directement sorti de notre poche, un débat serait né, le plus beau : quels sont les vrais leviers de la croissance ? Lancer un grand emprunt public nous aurait coûté trop cher, disent les comptables étroits, ceux qui ne sauront jamais chiffrer ce que coûte le manque d'enthousiasme.

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Commentaire 1
à écrit le 30/12/2010 à 11:06
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Tout ceci n'est pas posé ;confonfre dynamisme et gesticulations verbales,qui heurtent nos chers rythmes humains le matin, la pensée par métaphores et la façon insupportable de faire les questions et les réponses,de ne pas laisser le temps aux invité...

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