Comme un parfum de déjà vu

Chaque semaine, Hélène Fontanaud propose son regard sur la politique française. Un point de vue décalé pour prendre la mesure des stratégies, des idées et des jeux de pouvoir avant la présidentielle. Aujourd'hui : il ne faut pas se fier au sentiment de déjà-vu...
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Le déjà vu, ou paramnésie, est, selon Wikipédia, « la sensation d'avoir déjà été témoin ou d'avoir déjà vécu une situation présente, accompagné d'une sensation d'irréalité, d'étrangeté. Cette impression, qui peut être déplaisante, touche à peu près sept personnes sur dix », précise l'encyclopédie en ligne.

Il y a fort à parier qu'en ce moment elle frappe surtout les journalistes politiques français. Le phénomène s'explique de plusieurs manières. Il y a celle, pas très séduisante, d'« un arrêt partiel ou très court de l'activité du cerveau ». Privilégions plutôt l'hypothèse d'une « fausse reconnaissance due à la confusion de la situation présente avec une situation similaire mais non totalement identique du passé ».

Pour éprouver ce léger trouble, il suffit aujourd'hui d'ouvrir quotidiens et magazines. « Guerre des dames » ou « des Roses » et autres « duels Royal-Hollande » se disputent les unes à gauche tandis qu'à droite on pronostique l'éclatement de l'UMP, annoncé depuis sa naissance en 2004, et la renaissance du centre. À l'extrême droite, Marine Le Pen promet qu'elle répétera dix ans plus tard le 21 avril 2002. Seule nouveauté, elle se voit affronter le candidat de la gauche quand son père avait défié Jacques Chirac.

Mais ce symptôme de déjà-vu est trompeur. De 2004 à 2007, Nicolas Sarkozy a bâti sa toute-puissance sur un assèchement parallèle de l'extrême droite et du centre pour se constituer un socle - historiquement haut - de plus de 30 % des voix au premier tour de la présidentielle. Trois ans et demi après son élection, le bilan est amer. Tous les « discours de Grenoble » n'y auront rien changé. L'électorat du Front national boude  - et semble-t-il pour longtemps - le président du « travailler plus pour gagner plus », slogan qui s'est perdu dans les sables de la crise financière de 2008. Le tout nouveau patron de l'UMP, Jean-François Copé, s'est ainsi dit mercredi « très conscient » d'une remontée de l'extrême droite dans l'opinion. Un sondage Ipsos crédite Marine Le Pen de 27 % d'opinions favorables et d'autres enquêtes lui accordent 12 % à 14 % d'intentions de vote au premier tour de la présidentielle. Jean-François Copé préconise donc de mettre la barre à droite, une stratégie à risques quand on regarde de l'autre côté de la majorité. Où, sous la houlette de Jean-Louis Borloo, baron déçu du remaniement de novembre, le centre tâtonne sur la voie d'une autonomie renforcée au sein de l'UMP.

Dans les serres d'horticulture, on récolte ces jours-ci les roses de Noël. Mais Martine Aubry se désole. « La patience ne pousse pas dans tous les jardins », a déclaré la semaine dernière au « Journal du dimanche » la première secrétaire du PS, pour regretter la précipitation avec laquelle Ségolène Royal s'est lancée dans la campagne des primaires socialistes. Emportés par la course folle de l'actualité, certains commentateurs en ont rapidement conclu que la candidate de 2006 était de retour, avec ses intuitions surprenantes. Alors que cette entrée en lice était tout sauf une improvisation et relevait bien davantage d'un calcul froid et purement stratégique.

Lors de son premier déplacement de candidate, sur les terres de Dominique Strauss-Kahn, dans le Val-d'Oise, Ségolène Royal a d'ailleurs affirmé se méfier des « remakes ». La présidente de Poitou-Charentes a bien sûr pris note des railleries habituelles qui ont salué, à gauche et à droite, son retour sur l'avant-scène. Mais elle sait aussi que les circonstances ont changé en quatre ans. En 2006, la « gazelle » avait pris les « éléphants » socialistes de vitesse dans les sondages et s'était imposée avec éclat lors de la primaire face à ses deux rivaux, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius. Aujourd'hui, DSK, auréolé de son statut de directeur général du FMI, fait la course en tête.

Il y a trois ans, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal étaient des « primo-accédants » à l'Élysée. Suscitant la curiosité de l'opinion. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui, à l'UMP comme au PS, estiment que la campagne de 2012, lestée par la gravité de la crise de 2008, n'aura rien à voir avec la précédente. Dominique Strauss-Kahn cultive son image d'expert, Martine Aubry sa discrétion médiatique et François Hollande son austérité sérieuse. François Fillon laisse prospérer sa réputation d'homme rigoureux. Mais déjà les rivaux d'hier s'adaptent. Nicolas Sarkozy promet d'être un président « protecteur » et Ségolène Royal veut parler à la « France qui souffre ». Comme pour chasser l'impression de déjà-vu.

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