Les prévisions de madame Soleil

Par Eric Albert, correspondant de La Tribune à Londres.
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"Chers clients. Malgré les très juteuses commissions que vous me versez, je n'ai pas le moindre conseil d'investissement à vous donner. L'année 2011 pourrait être bonne, mais elle pourrait aussi être mauvaise. Pour être honnête, je n'en sais rien. Veuillez agréer, chers clients, l'expression de mes sentiments les plus dédaigneux."

On imagine mal une société de gestion envoyer une telle lettre à ses clients. Pourtant, c'est sans doute celle qui serait la plus honnête. En cette veille de Noël, tous les grands gérants de la place londonienne se lancent comme d'habitude dans les prévisions de l'année suivante. Le problème est que l'incertitude économique et financière mondiale est telle que leurs prophéties n'ont rien à envier à celles de Madame Soleil.

A Skandia Investment Group, Rupert Watson, directeur de l'allocation d'actifs, aurait tellement envie d'être optimiste. Mais bon, ben, à vrai dire, en même temps, il n'en est pas vraiment sûr. En langage poli, ça donne cela : "bien que notre vision pour 2011 soit actuellement celle du verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide, nous pensons que les répliques du choc de la crise financière vont probablement être avec nous pendant un bon moment et nous nous attendons à ce que des événements viennent mettre à mal notre scénario positif." En paraphrasant légèrement, on pourrait traduire ainsi : si tout se passe bien, tout se passera bien ; mais s'il y a des problèmes, il y aura des problèmes. Alex Lyle, gérant à Threadneedle, a trouvé un bon moyen pour s'en sortir. Pour chaque marché, il propose un scénario optimiste et un négatif, sans prendre position. Le marché actions américain ? "Il y a beaucoup d'actions intéressantes à choisir..." mais il souligne aussitôt que la dette publique croissante des États-Unis, le marché immobilier maussade et le fort chômage présentent des dangers. En effet.

Jeremy Podger, également gérant chez Threadneedle, a pris une option plus sûre : enfoncer les portes ouvertes. En ce qui concerne les acquisitions pour 2011, les cibles potentielles sont des entreprises "avec des actifs uniques, une croissance supérieure, et un accès à une technologie qu'ils possèdent." Bref, mieux vaut éviter les sociétés sans intérêt à la croissance médiocre. Du côté de HSBC, on hésite sur les monnaies : l'euro va-t-il s'effondrer, ou cela sera-t-il au tour du dollar ? "Pour être honnête, répondent les analystes de la banque, s'il n'y avait pas les problèmes souverains de l'euro, nous parlerions de la possibilité d'une chute cataclysmique du dollar en 2011. Nous avons donc tranché pour un - entre-les-deux - de 1 euro-dollar à 1,25 comme point de départ". Ils viennent d'inventer la version monétaire du "p'tre ben qu'oui, p'tre ben qu'non".

N'y a-t-il vraiment rien à retenir de tout ce verbiage ? En gros, la majorité des prévisions s'accordent sur quelques grandes tendances : la croissance mondiale devrait être robuste, tirée par les marchés émergents ; le marché actions semble sous-valorisé, les entreprises étant assises sur beaucoup de liquidités ; les taux d'intérêt vont rester historiquement bas ; mais les risques sont très nombreux, notamment en zone euro, alors mieux vaut faire attention. Conclusion d'Alan Brown, gérant à Schroders : "Les possibilités sont tellement variées que c'est le moment de mettre l'accent sur la diversification (des actifs)." Comme disait ma grand-mère, il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. C'est un conseil qui vaut bien de l'or !

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