Un budget de fausse rigueur

Par Philippe Mabille, rédacteur en chef et éditorialiste à La Tribune.
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Le rabot est un outil formé d'une lame de métal plus ou moins inclinée et ajustée dans un corps en bois qui laisse dépasser le tranchant. Son efficacité tient à une succession de mouvements rectilignes jusqu'à obtention du résultat souhaité. Il y a plusieurs variétés de rabots, nous dit Wikipédia : la varlope pour les grandes surfaces et le riflard pour des bois plus courts. On peut s'en servir pour creuser des rainures, ce sont les bouvets, les feuillerets et les guillaumes ; aplanir des fonds, ce sont les guimbardes ; faire des moulures décoratives, ce sont les doucines et autres talons. Dans la pratique du rabot, le budget 2011 adopté définitivement aujourd'hui a usé de tous les instruments. Le rabotage des niches fiscales touche un peu tout le monde, ménages et entreprises, et se manifestera concrètement par 10 milliards d'euros de recettes fiscales en plus.

Par dérision, un vrai rabot figurait d'ailleurs dans le bureau où, à Matignon, furent décidés les grands arbitrages sur les finances publiques. Après trois mois de marathon budgétaire, le résultat est en apparence spectaculaire : un déficit réduit de 60 milliards d'euros, ce qui a permis de concrétiser, aux yeux de nos partenaires européens et des marchés, la marche du retour vers un déficit plafonné à 3% du PIB.

On est cependant encore loin du compte et plutôt que de féliciter Nicolas Sarkozy de ses efforts, on est plutôt tenté de louer son habileté, puisque l'essentiel de cette performance s'explique par la non-reconduction en 2011... de dépenses exceptionnelles concentrées sur cette année. Le grand emprunt : 35 milliards d'euros d'investissements d'avenir financés en 2010 et dépensés personne ne sait quand ! L'arrêt du plan de relance : on fera moins de ronds-points. Pour nombre de secteurs (automobile, biotechs), la rigueur se manifestera surtout par la fin de soutiens artificiels. Mais en 2011, les dépenses publiques de la France resteront à un niveau record dans la zone euro. D'ailleurs, en Europe, c'est en Grèce, au Royaume-Uni, en Espagne ou en Irlande que l'on manifeste contre l'austérité. En France, la vraie rigueur attendra bien 2012. 

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