Il est né le nouveau consommateur

Par Sophie Péters, éditorialiste à La Tribune.
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Le consommateur est au marketing ce que le beaujolais nouveau est aux bistrots. Tous les ans, un spécimen est annoncé à grand renfort d'études et d'enquêtes. Et Noël, avec son pic de consommation, relance la question rituelle : y aura-t-il un nouveau consommateur ? Poser la question revient à imaginer un profil type et unique, sorte de portrait-robot devenant pour les marques le sésame d'un accès au marché. En un mot, une utopie. Dans cette tribu, pas de typologie unique, même au sein de familles comme les juniors ou les seniors, où les profils s'emmêlent. Nous sommes passés d'une consommation de masse à une consommation d'individus. « Une consommation qui s'est émancipée des cultures de classes pour s'inscrire dans une adhésion à des styles de vie », selon Luc Balleroy, décrypteur de tendances. L'appartenance à une catégorie socioprofessionnelle ne permet plus aujourd'hui de définir à coup sûr les équipements détenus par un individu. Il faudrait inventer un mot nouveau pour désigner ce Français qui compare, choisit, rejette, au besoin se révolte, ruse, négocie, revend, fait soi-même parfois, et qui, surtout, ne gobe plus la pub. Il y a de l'explorateur et de l'aventurier dans le consommateur d'aujourd'hui. Dans ces conditions, chercher à manipuler le chaland pour lui vendre coûte que coûte des produits tient presque de l'escroquerie.

Le consommateur n'est ni complexe ni obscur comme le martèlent les études marketing. Il ne se laisse embarquer dans un discours que s'il le veut bien. Il consomme par tous temps et dans tous les espaces, relié par écran à ses envies et à ses besoins. Il compare en permanence, recueille des avis auprès de ses amis et cherche à assouvir ses pulsions rapidement, soucieux de ne pas consacrer trop de temps à obtenir ce qu'il souhaite.

Depuis 1945, la société de consommation a accompagné l'individu dans sa quête d'ascension des différentes marches de la pyramide du psychologue Abraham Maslow, depuis ses besoins physiologiques jusqu'à l'accomplissement personnel en passant par la sécurité, l'appartenance et l'estime de soi. En gravissant ces échelons, le consommateur a divorcé de la publicité. La seconde reproche au premier d'être zappeur, à l'affût des dernières tendances, volage. Le premier attend désormais plus de la relation que du produit lui- même. Les choix de consommation d'aujourd'hui tendent ainsi à affirmer la personnalité d'un individu (qu'il soit pour le bio ou le luxe) et à lui permettre de partager avec ses semblables le fait que le produit qu'il a choisi lui apporte un certain plaisir. Mieux vaudrait donc pour les marques suivre le conseil de Séguéla, « un peu moins de tests et un peu plus de testicules ».

Il n'y a qu'à observer le parcours de décision du consommateur pour s'en convaincre : il entend parler d'un produit. Ce bruit ambiant fait naître son désir d'achat. S'ensuit une recherche active d'informations, dans laquelle il va devenir expert pour garder son autonomie dans l'acte d'achat. Il peut alors expliquer comment et pourquoi il en est arrivé à ce choix, confirmant son statut d'expert et confortant son besoin de socialisation. Dans tout ce trajet, il aura accordé une confiance minimale à la marque par peur d'être biaisé. Fini la sacralisation de l'objet. Place à l'expérience, valorisant des dimensions comme l'émotion, l'évasion, le plaisir esthétique ou sensoriel, l'excitation, l'amusement. Moralité : au lieu de se perdre dans l'analyse des attentes et des perceptions des consommateurs, les équipes marketing seraient bien inspirées, en 2011, de travailler sur la confiance et la cohérence et, pourquoi pas, de s'allier aux DRH sur ces sujets. De cultiver la relation en toute transparence, de renoncer à la toute-puissance et de considérer le consommateur ou/et le salarié non pas comme une éponge qu'il faut influencer, mais comme un esprit critique donc actif qu'il faut appréhender en le rendant participatif pour gagner son intérêt. Si les marques avaient hier des droits, elles ont pour demain des devoirs.

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