Universités : vous avez dit excellence ?

Par Jean-Pierre Gesson, président de l'université de Poitiers.
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Laboratoires d'excellence (Labex), équipements d'excellence (Equipex), initiatives d'excellence (Idex)... les résultats des appels à projets du grand emprunt pleuvent et tombent à côté d'un objectif : renforcer l'université française dans le grand bain international. Plus que tout autre pays, la France a été traumatisée par le classement de Shanghai. Le fait qu'aucune université ou école française ne figure dans les premiers mondiaux a été interprété comme une preuve de la faiblesse de la recherche française.

L'analyse objective des résultats globaux de notre pays démontre à l'évidence que cette interprétation est fausse. Une élémentaire rigueur scientifique imposerait de discuter de la validité des critères utilisés dans ce classement. Mais tel un oracle, celui-ci est médiatisé chaque année. Il en est de même du classement du Times Higher Education dont le principe est basé sur une forme de sondage de popularité auprès d'experts. D'autres classements existent (CHE, Leiden, QS...), pertinents ou discutables, mais moins médiatiques. La faiblesse méthodologique de la plupart d'entre eux n'empêche pas l'utilisation abusive qui en est faite.

Car la question essentielle pour notre pays n'est pas de savoir si telle université ou école peut être classée demain dans le "top ten" des établissements mondiaux. Quel intérêt d'avoir un Harvard ou Oxford français si, globalement, la recherche française n'est pas compétitive ? La vraie question est la suivante : comment organiser la recherche française pour la rendre globalement plus efficiente ? Il était nécessaire de lui en donner les moyens organisationnels et financiers pour rester à un haut niveau au plan mondial.

Mais comment ? La première condition a été réunie à partir de 2007 en donnant aux universités une autonomie élargie. Cette approche que l'on peut qualifier de responsabilisante a été combattue par certains au nom d'une égalité mythique qui n'a jamais existé et qui n'existera jamais. Son principal intérêt est de permettre aux établissements de mettre en place des stratégies spécifiques en fonction de leurs caractéristiques propres. Cette liberté, toutefois soumise à des régulations nationales nécessaires, est une chance pour les activités de recherche dont il est souvent difficile de prédire les résultats et applications. Inutile de rappeler de nombreux exemples célèbres. La deuxième étape étant celle de l'augmentation des moyens, le gouvernement a alors décidé d'utiliser un emprunt de grande ampleur pour financer la recherche. Si on ne peut que se louer qu'un emprunt serve à de l'investissement, encore faut-il que son utilisation soit optimisée pour être efficace. Le rapport Juppé-Rocard a servi de base à la stratégie développée : concentrer les moyens sur un nombre limité de sites (5 à 10).

Malheureusement, cette proposition, qui ressemble plus à un gosplan soviétique qu'à une approche réaliste, est basée sur des erreurs d'appréciations très graves. N'est-il pas écrit par exemple dans ce rapport que la faiblesse des universités françaises vient de leur taille insuffisante ! Cet axiome a été repris par certains qui insistent outrageusement sur la taille critique comme facteur indispensable à l'excellence (une définition par ailleurs très floue). Mais alors, pourquoi le MIT qui n'a que 10.000 étudiants est-il toujours classé dans les premiers établissements mondiaux ? Harvard avec ses 18.000 étudiants est-elle une université moyenne ?

Après l'Opération campus, les projets Equipex, Labex, Idex, la carte universitaire française pourrait être totalement bouleversée. Des sites universitaires, dont la production scientifique est importante, sont donc laissés à eux-mêmes à côté d'autres fortement dotés. Ce grave déséquilibre territorial est créé à partir de conditions d'attribution très discutables (inutile de se retrancher derrière un jury international) qui conduisent à des décisions lourdes de conséquences pour les établissements.

La quasi-superposition des cartes des résultats des appels d'offres conduit à se demander s'il était utile pour certains de candidater. On aura ainsi donné le sentiment que la partie était jouée d'avance et découragé une bonne partie des chercheurs français. L'avenir dira si la surconcentration des moyens est la meilleure voie vers l'excellence de notre système d'enseignement supérieur et de recherche.

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