Patrons du CAC 40 et patrons de PME, tous dans le même sac

Par Jean-François Roubaud, président de la CGPME.
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Il n'y a pas si longtemps, quelques tenants de solutions aussi radicales que simplistes avaient trouvé la solution contre le chômage : interdire le licenciement ! Autres temps, autres moeurs, le gouvernement propose aujourd'hui, pour résoudre à la fois le problème du pouvoir d'achat et le partage des résultats, une solution miracle : des primes obligatoires dans les entreprises de plus de cinquante salariés dont les dividendes augmentent.

Dans les deux cas, un vrai problème débouche sur une fausse solution. Dans les deux cas, on s'affranchit totalement de la réalité économique et on ne prend pas en compte les dommages collatéraux. Une prime obligatoire pour les salariés des entreprises produisant en France ? Bel encouragement pour ceux qui continuent contre vents et marées à faire tourner des usines dans notre pays !

De surcroît, on alimente, à très court terme, les désillusions de ceux qui sont persuadés de toucher demain une prime de 1.000 euros dont ils ne verront jamais la couleur, leur entreprise n'étant pas en capacité de la leur verser. On prend ainsi le risque de fragiliser les rapports sociaux, à l'intérieur comme à l'extérieur des entreprises.

Le résultat ne s'est d'ailleurs pas fait attendre. Alors que, jusqu'à présent, dans le cadre des négociations interprofessionnelles, les syndicats acceptaient de distinguer TPE/PME et grands groupes, ils viennent de réclamer, lors de la délibération en cours sur la modernisation du dialogue social, l'ouverture de discussions sur la rémunération des dirigeants. Patron d'un groupe mondialisé du CAC 40 et patron de TPE de trois personnes, tous dans le même sac ! Au nom de la lutte contre les excès de quelques-uns, verra-t-on demain le patron d'une petite entreprise patrimoniale devoir, au nom d'une prétendue transparence, se justifier sur sa propre rémunération devant des salariés qui, pour eux-mêmes, exigent une confidentialité de leurs salaires ? Faut-il ici rappeler que le salaire moyen du patron de PME ne dépasse pas 4.000 euros mensuels et que nombre d'entre eux voient leur rémunération diminuer en période de crise ?

Oui, il est risqué d'entreprendre. C'est pour cela d'ailleurs que les perspectives de gains sont proportionnelles aux risques encourus. Créer ou reprendre une entreprise doit permettre de s'enrichir plus vite que si l'on reste salarié. Inversement, on s'appauvrit à coup sûr si l'aventure tourne court. Le partage des résultats, s'il s'agit toujours de cela, pose donc la question du partage des pertes.

Le chef d'entreprise "patrimoniale" assume les pertes éventuelles de son entreprise. Il prend des risques personnels sur son patrimoine pour réaliser un projet et créer son propre revenu. Cela lui confère des devoirs vis-à-vis de ses salariés mais également des droits. Il lui revient ainsi la lourde responsabilité finale d'assurer une répartition juste et équitable de la valeur ajoutée entre le profit, les salaires, les dividendes, les investissements et les fonds propres. Et cette décision-là n'est jamais facile car elle engage l'avenir même de l'entreprise. Elle est donc étroitement liée à la situation même de cette entreprise. Si le renouvellement du parc de machines est par exemple utile, il va de soi que ce sera l'absolue priorité. A l'inverse, si l'entreprise est fragilisée par un manque de fonds propres, il pourra être utile de remonter une partie des résultats. Remettre cela en cause, c'est s'attaquer au fondement même de la liberté de gestion.

De nombreuses obligations d'information sur les salaires existent déjà notamment vis-à-vis du comité d'entreprise (entreprises de plus de 50 salariés) ou dans le cadre du bilan social (entreprises de plus de 300 salariés). S'il faut les réexaminer, nous y sommes prêts. Mais nous n'irons pas plus loin, même au nom de considérations tactiques ou politiciennes.

La proximité entre le chef d'entreprise et ses salariés repose sur la confiance et l'intérêt mutuel, pas sur la suspicion ou la défiance. Cette idée simple mérite qu'on la défende. Et n'en déplaise à certains "apôtres" d'un dialogue social à sens unique, si les syndicats sont dans leur rôle lorsqu'ils défendent leurs convictions, la CGPME l'est aussi. Que je sache, lorsque certains syndicats choisissent de ne plus participer à la discussion interprofessionnelle en cours sur la compétitivité..., nul ne leur jette la pierre. Plutôt que de cultiver l'affrontement stérile, veillons à respecter nos différences pour oeuvrer ensemble dans le cadre d'un dialogue social utile à nos entreprises et à leurs salariés.

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