Pourquoi la Bourse ne grimpe pas plus

Les indices boursiers ont rebondi depuis mars 2009, mais leur niveau de valorisation reste faible, notamment au regard des résultats et de la profitabilité des entreprises. Cette sous-valorisation, en dépit de l'abondance de liquidités, risque de durer. Car l'incertitude est grande sur les bénéfices à venir.
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C'est un paradoxe qui anime aujourd'hui la communauté financière. Malgré le fort rebond des indices boursiers mondiaux depuis mars 2009, les marchés d'actions occidentaux peinent à retrouver les multiples de valorisation qui les caractérisaient avant la crise financière. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En Europe, les actions de l'indice Stoxx 600 qui a rebondi de 80% depuis son point bas du 9 mars 2009 valent 11,5 fois les bénéfices attendus en 2011 pour les entreprises concernées. Un chiffre à mettre en contraste avec une moyenne historique sur dix ans de 15,7 fois retenue par Morgan Stanley.

Cet écart de valorisation ne va pas sans soulever certaines questions. Les marchés d'actions de part et d'autre de l'Atlantique parviendront-ils à retrouver leurs anciens niveaux, nettement plus élevés s'agissant de la valorisation des bénéfices ? La crise a-t-elle irrémédiablement refroidi les investisseurs après la fameuse "décennie perdue" sur les actions ? Enfin, les indices occidentaux sont-ils définitivement condamnés à avancer, la jambe ferrée à une prime de risque plus conséquente ?

Ces questions sont d'autant plus criantes que les marchés baignent depuis quelque temps maintenant dans une abondance de liquidités entretenue par la politique monétaire accommodante des banques centrales. À cette énigme, Patrick Artus, directeur des études économiques de Natixis, avance plusieurs explications dans une récente note. A commencer par l'anticipation d'une hausse des taux d'intérêt en perspective de la fin de la période du "quantitative easing 2". "Mais, même s'il y avait une remontée de 100 points de base des taux d'intérêt à long terme aux Etats-Unis et de 60 points de base dans la zone euro [...] compte tenu du niveau des primes de risque actions, les marchés d'actions resteraient sous-évalués."

L'inflation pourrait être une autre explication, sachant qu'il a été observé que le phénomène ou son anticipation tendaient à réduire les "price earning ratio" (PER, ou ratio cours de Bourse/bénéfice par action).

"Mais cet argument n'est pas convaincant, l'inflation est plus forte dans les pays émergents que dans les pays de l'OCDE et pourtant les cours boursiers ont progressé très vite dans les pays émergents", note Artus pour qui, finalement, la seule explication tient à "l'incertitude sur la croissance aux Etats-Unis et dans la zone euro".

"On n'achète pas une action pour son passé mais pour ses bénéfices futurs, souligne Pierre Sabatier, stratégiste chez PrimeView. Or il est désormais difficile d'extrapoler à l'avenir les niveaux de bénéfices qui prévalaient sur les années 2000." Parallèlement, le marché fait aussi le deuil des conditions avantageuses dont ont bénéficié les entreprises depuis la crise en matière de financement , de niveaux d'inflation supportables, de taux de marges élevés, etc. "Les investisseurs ne croient pas à la pérennité des bénéfices actuels. Ils sont trop beaux pour être vrais !", confirme Frédéric Buzaré, responsable de la gestion actions chez Dexia AM. À la faveur d'importantes réductions de coûts et de besoins en fonds de roulement au lendemain de la crise, les entreprises ont en effet retrouvé rapidement les niveaux de profitabilité historiques atteints avant la crise. Une situation difficilement tenable à l'heure où les entreprises vont devoir faire face à une hausse des coûts dans un contexte où les matières premières flambent de plus belle.

Au-delà de cette vue d'ensemble, le phénomène recouvre d'importantes disparités sectorielles. Les secteurs domestiques comme les "utilities" ou encore les télécoms (dont la pondération est importante dans un indice comme le CAC 40), très dépendants de leur marché, voient ainsi leurs perspectives de croissance remises en cause. "Les groupes, dont la situation de rente peut être remise en question par une hausse des taxes dans un contexte de réduction des déficits publics en Occident ou ceux sur lesquels plane un doute sur la pérennité des perspectives bénéficiaires, se paient avec une prime de risque plus élevée et donc un PER plus faible", explique Frédéric Buzaré.

A l'inverse, ceux bénéficiant d'un horizon tapissé de croissance, via leur exposition aux émergents, sont logiquement mieux valorisés. Qu'elle s'estompe ou qu'elle se creuse, cette dichotomie ne devrait rien changer à cette nouvelle donne sur les marchés d'actions. "Le contexte de désinflation qui prévalait sur les trente dernières années et favorable aux actions est mort et enterré, conclut Pierre Sabatier. C'est un fait : les marchés d'actions se paieront moins cher à l'avenir que par le passé." Et de fait, ne retrouveront sans doute pas les niveaux de valorisation d'antan.

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