Eurogroupe : une solidarité devenue inéluctable

Les crises actuelles de l'euro font l'objet de solutions techniques alors que la vraie question posée est politique : c'est celle de la nécessaire solidarité entre les membres de l'euro. Les calendriers électoraux et les égoïsmes nationaux occultent aujourd'hui le débat européen. Faudra-t-il attendre d'être au bord du gouffre pour que les membres de l'Eurogroupe affirment leur solidarité ?
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La question grecque fait irrésistiblement penser à un ancien sketch humoristique. Sur scène, un prestidigitateur exécute des tours ; un compère dans la salle se fait passer pour un spectateur et annonce à l'avance ce que l'artiste va faire. L'artiste, dépité, finit par s'enfuir dans les coulisses.

De même, les salles de marché égrènent ce qui attend la Grèce et la zone euro : « Un prêt à la Grèce... ne suffira pas... Un mécanisme d'assistance... sera insuffisant... La Grèce fera défaut... Le Portugal suivra... Fin de la zone euro. »

Sur la scène, les acteurs politiques s'appliquent à jouer le rôle du prestidigitateur. Mais on s'inquiète : s'enfuiront-ils dans les coulisses ?

Pour l'heure, certaines initiatives telles que la création du Fonds européen de stabilité ont été bien utiles. Mais force est de constater que les marchés estiment que c'est souvent trop peu et trop tard. Il est vrai que les gouvernements et les institutions sont confrontés à un enjeu considérable : la monnaie unique. Cette dernière reste entourée de solides tabous : pas de garantie mutuelle entre États (« no bail-out ») et pas de « défaut » grec.

L'euro était né bancal, au grand dam de ses fondateurs : c'était une construction monétaire forte, mais sans coordination économique correspondante. Jacques Delors, Romano Prodi, et tant d'autres, n'ont cessé de répéter que tôt ou tard, des « chocs asymétriques » le mettraient à l'épreuve. Nous y sommes.

Les marchés ont désormais intégré ce déséquilibre dans leurs opérations quotidiennes. Ils ont compris la nécessité de tenir compte du risque de défaut d'un État de l'Eurozone. Ils savent aussi en jouer.

En se contorsionnant pour traiter les crises de certains États de façon technique et non politique, les chefs d'État et de gouvernement obtiennent le pire de deux mondes. D'une part, la question de la solidarité de la zone euro est déclassée en obscur et lancinant problème assuré d'encombrer les sommets européens pendant des années. D'autre part, l'incrédulité croissante des marchés autoalimente les crises successives.

De fortes préoccupations électorales (en France comme en Allemagne) s'ajoutent au repli sur soi et aux pressions populistes pour pousser les principaux dirigeants actuels de l'Eurozone à l'indifférence vis-à-vis de la construction européenne.

De façon atypique, c'est le Premier ministre de la Pologne (pays non membre de l'euro) qui se joint au président de la Banque centrale pour rappeler une vision plus généreuse et conforme au projet d'origine.

Certes, la Grèce doit retrouver des normes compatibles avec l'usage d'une monnaie unique et il est juste de la pousser au bout des efforts qu'elle peut faire. Mais les États membres de l'Union (en tout cas ceux de l'Eurozone) doivent l'aider. Ce faisant, ils s'aident eux-mêmes. Pourquoi continuer à occulter cette nécessaire solidarité ?

Le temps va venir pour les principaux dirigeants de l'Eurozone d'annoncer l'obsolescence de la clause « no bail-out » telle qu'elle était prévue dans le traité de Maastricht. De fait, elle a déjà été rendue plus souple il y a quelques mois.

Quant aux États en difficulté vis-à-vis de l'euro, ils devraient, s'ils ne peuvent le faire eux-mêmes, accepter une supervision beaucoup plus forte de l'Eurozone. Celle-ci peut également passer par une assistance administrative de la Commission européenne. L'Allemagne, la France, les Pays-Bas pourraient ainsi contribuer à l'instauration d'un système fiscal plus fiable en Grèce.

Une logique serait restaurée : l'actif commun qu'est la monnaie unique ne peut être exposé au risque d'errances des pouvoirs politiques qui en bénéficient. La Banque centrale européenne est un pilier de cette logique, qu'il faut désormais compléter : les États associés dans l'euro sont nécessairement solidaires et doivent s'inventer une discipline économique mutuelle beaucoup plus performante.

Gageons que ceci est prématuré. Faut-il attendre que certaines échéances électorales soient franchies et que la situation devienne plus explosive encore, avant que les vraies solutions politiques soient évoquées ?

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