Médicaments : une réforme au service de la démocratie sanitaire

L'affaire du Mediator a révélé les failles de notre système de sécurité sanitaire. Bien plus que d'une réforme technique, nous avons besoin d'un choc de conscience : une rupture avec la gouvernance actuelle s'impose.
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Le scandale du Mediator a éclaté au grand jour il y a presque un an et les Français n'ont pas encore fini d'entendre parler des failles stupéfiantes du système national de sécurité sanitaire des produits de santé.

La puissance publique s'est rendue coupable de négligence. Oubliant les décisions de retrait prises par nos voisins européens et américain dès 1977, écartant les signaux d'alerte de la pneumologue Irène Frachon, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a fait la preuve d'une incroyable indifférence à l'égard d'un produit controversé, délivré pourtant à 5 millions de patients.

Le secteur privé n'est pas en reste. L'attitude incroyablement désinvolte des laboratoires Servier, depuis le début du scandale, est à la hauteur de l'impunité totale dont ces derniers ont profité pendant trente-trois ans, durant l'existence du Mediator. À travers les très sérieux soupçons d'opacité, de mensonge, de négligences et de pressions diverses, les Français semblent découvrir qu'un des plus grands laboratoires français a placé le profit de l'entreprise au-dessus de la vie du patient.

Ce scandale sanitaire révèle donc la défaillance des acteurs de notre système de santé, des agences aux entreprises en passant par les professionnels de la santé, qui n'ont pas pu alerter efficacement les autorités sanitaires, en dépit de certaines alertes restées vaines.

Bien plus qu'une réforme technique et au-delà de quelques correctifs, nous avons donc besoin d'un choc de conscience et d'un nouveau système du médicament. Ce système devrait reposer sur des valeurs fondamentales du pacte social, qui ont finalement été oubliées au fil des années. Je distingue ainsi deux principes directeurs : le retour de l'autorité politique d'une part et la responsabilité des acteurs de la santé d'autre part.

Premièrement, il nous faut rompre purement et simplement avec la gouvernance actuelle. Les égarements de l'Afssaps nous commandent de bâtir un nouveau pilote de la chaîne du médicament, dont l'objectif premier sera de redonner un sens concret à la notion de pharmacovigilance. Cette nouvelle agence devra être dotée de prérogatives élargies, afin d'encadrer les prescriptions, les mises sur le marché, la publicité. Cette autorité devra être dotée de pouvoirs de sanction susceptibles d'en faire le gendarme que l'Afssaps n'a pas été dans le passé. Le projet de loi reprend cette idée et présente des avancées majeures qu'il faudra soutenir lors de l'examen à l'Assemblée nationale.

Deuxièmement, les laboratoires, les experts et plus généralement l'ensemble des professionnels de santé doivent se convertir à une transparence absolue et assumer davantage leurs responsabilités. Il faut systématiser les déclarations d'intérêts, garantir l'accès à l'information et donner sa pleine mesure au principe de participation du citoyen aux prises de décision. Les prescripteurs doivent indiquer le risque d'un médicament, les laboratoires doivent être exemplaires en mettant en place des systèmes internes de pharmacovigilance et enfin, les visiteurs médicaux devraient être amenés à repenser l'exercice de leur métier. Sur le terrain de la responsabilité des acteurs de la santé, là encore, la loi proposée par le gouvernement va dans le bon sens.

Bien sûr, certains changements sont redoutés par une partie des professionnels, qui craignent d'être associés à tort aux errements du scandale du Mediator. D'autres observateurs réclament d'aller encore plus loin, en risquant toutefois d'affaiblir l'innovation et l'efficacité du secteur pharmaceutique. Le débat parlementaire tranchera. Ce qui compte, quels que soient la tenue et le résultat des discussions, c'est d'en faire plus pour les patients et moins pour les lobbies, qui ont largement bénéficié de l'aveuglement des autorités sanitaires.

Finalement, et à travers les valeurs de responsabilité, d'autorité et de transparence, la refondation du médicament devra passer par une démocratisation du système sanitaire. C'est en plaçant le citoyen au coeur des prises de décision que nous réussirons à mettre fin aux crises sanitaires que nous subissons depuis les années 1970 et à mieux gérer les risques pour la vie humaine, qu'il s'agisse de santé ou d'environnement. Ne manquons pas ce rendez-vous !

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