Zone euro : aider les États et les banques

Il n'y a pas de choix entre aider les États en difficulté au sein de la zone euro et aider les banques. Ces deux solutions ne sont pas substituables, mais complémentaires. On ne peut imaginer un marché des dettes souveraines en pleine détresse, et les banques, appelées à un effort, devront voir leurs capitaux renforcés.
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En matière de retournement de situation, l'économie internationale est décidément la plus extraordinaire des scènes de théâtre. En septembre 2008, les États-Unis étaient cloués au pilori pour avoir laissé se développer la crise des subprimes liée au surendettement des ménages et avoir accepté la faillite de Lehman Brothers, plongeant ainsi l'ensemble des pays avancés dans la crise que l'on sait. Très exactement trois ans plus tard, au moment où s'ouvre une deuxième phase de cette crise, ce sont les pays de la zone euro qui sont accusés de mettre en péril l'économie mondiale en raison de leur incapacité à gérer les difficultés suscitées par le surendettement public de plusieurs d'entre eux. Peu importe qu'en matière d'endettement souverain, les États-Unis fassent pire que la moyenne de la zone euro, ils sont protégés par le statut international de leur monnaie. Peu importe qu'en matière de relance de l'économie, la politique américaine n'ait pas été plus convaincante que les européennes : l'histoire ne distribue pas ses prix au mérite, elle se borne comme toujours à tirer les conséquences des disparités de situations et de pouvoirs. La zone euro, aujourd'hui menacée, est- elle capable de montrer rapidement qu'elle peut tenir sa partition dans un concert mondial guetté par la cacophonie ?

Les banques, de par leur statut d'intermédiaires, sont au coeur de la tourmente. L'originalité et la gravité de la présente conjoncture résultent bien sûr du surendettement des États. Ainsi, si les États surendettés font chanceler les banques, certaines banques sont-elles capables de faire chanceler les États. Malgré cette quasi-symétrie, certains semblent considérer comme une solution possible le fait de soutenir, non pas les États, mais les seules banques. Il serait, dit-on, moins coûteux de soutenir les banques que de venir au secours des pays surendettés.

En réalité, ces deux solutions ne sont pas substituables, mais bel et bien complémentaires. Elles devront s'appuyer l'une sur l'autre, la présence de l'une renforçant les chances de réussite de l'autre. Que plusieurs pays européens aient besoin, dans un avenir plus ou moins proche, d'une forme ou d'une autre de restructuration de leur dette souveraine est, hélas, peu douteux. Qu'à l'occasion de ces restructurations, les divers créanciers des États aient à apporter une contribution qui sera loin d'être symbolique doit être tenu comme souhaitable. Encore faut-il que les dettes en question ne soient pas dans une situation de détresse telle que les opérations de sauvetage des États apparaissent comme tout à fait désespérées : cela exige donc des économies déjà avancées dans la voie de la convalescence et un marché des dettes souveraines qui soit « tenu ». Encore faut-il également que la contribution demandée aux banques à cette occasion ne conduise pas à la destruction pure et simple du système d'intermédiation : il convient donc que l'actif des banques soit adossé à un passif suffisamment stable.

Pour mener de front ces deux politiques, il faudra naturellement s'en donner les moyens. Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), la BEI (Banque européenne d'investissement), la BCE (Banque centrale européenne) et le FMI (Fonds monétaire internatinoal) devront ainsi tous participer, à leur manière, au soutien des dettes souveraines pendant toute la période de restructuration qui pourrait s'étendre sur plusieurs années. La distribution des rôles est en cours. La montée en régime du FESF au-delà de l'accord du 21 juillet correspondrait à une accélération indispensable de la mise en place du dispositif. Le soutien apporté par chacun devrait permettre de pratiquer, dans les dettes souveraines concernées, des dépréciations qui demeurent supportables pour les différents créanciers et en particulier pour les banques.

On sait toutefois que toutes les banques européennes ne sont pas, à cet égard, logées à la même enseigne. Certaines, Bâle III aidant, devront effectivement être recapitalisées. Les modalités de ces recapitalisations pourront être diverses. Aucun dispositif européen n'étant actuellement prévu pour faciliter ces opérations, il est probable que les institutions nationales devront à cette occasion se porter en première ligne, au moins tant que n'aura pas été instituée en ce domaine une responsabilité supranationale au sein de l'Union. Ou bien les deux politiques de soutien aux États et aux banques seront simultanément conduites grâce à une répartition efficace des rôles entre les institutions, ou bien le destin de l'Union européenne court les plus grands risques. « Le vent se lève, il faut tenter de vivre », ce vers de Paul Valéry résume bien la situation actuelle : l'Europe peut en effet être emportée par la tempête que nous traversons et ravalée au rang d'États, petits pour la plupart. Cependant, le pire n'est pas toujours sûr et l'on peut encore beaucoup espérer d'un sursaut de lucidité, d'altruisme et de détermination.

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