Pourquoi Moscou mène la guerre du prix du pétrole contre Riyad et Washington

ANALYSE. La chute des cours du pétrole est non seulement favorisée par le ralentissement de l'économie mondiale liée à la propagation du coronavirus mais aussi par le déclenchement d'une guerre des prix qui voit s'opposer la Russie à l'Arabie Saoudite et les Etats-Unis. Par Didier Julienne, spécialiste des marchés des matières premières (*).
(Crédits : Reuters)

Le coronavirus y est pour peu de chose. La chute des prix du Brent à 35 dollars, puis sous les 30 dollars est bien le symptôme que la guerre de puissance énergétique entre les États-Unis et la Russie est supérieure aux alliances commerciales entre l'Opep et l'Opep+, c'est-à-dire entre Riyad et Moscou.

Grâce au pétrole de schiste, Washington est passé d'une stratégie d'indépendance énergétique à celle de domination énergétique, notamment en Allemagne et en Europe orientale. Moscou n'en accepte pas les conséquences telles que les sanctions étatsuniennes à répétition ou bien les entraves au chantier de Nord Stream 2.

L'occasion est trop belle

Pour la Russie, refuser de baisser la production mondiale de 1,5 million de barils/jour (1,5 % de l'offre mondiale), laisser filer la surproduction liée au coronavirus permet d'entraver la production américaine dont le coût de production est plus élevé que celui de Moscou. L'occasion est trop belle, c'est la réponse des faucons de Moscou aux faucons de Washington.

L'ensemble donne la vision d'un pétrole désarticulé, à la dérive vers une guerre de parts de marché entre Moscou, Riyad et Washington. Elle sera bénéfique pour le consommateur qui voit le prix à la pompe s'effondrer. Mais elle sera rouge pour les obligations des entreprises pétrolières américaines.

Une dette importante

Une importante dette pèse sur près de 50 % de la production étatsunienne logée entre les mains de petits producteurs déjà grandement fragilisées par des prix du gaz aux plus bas. Ils ont besoin d'un prix du pétrole de schiste minimum pour équilibrer leurs comptes et répondre à leurs obligations financières. Sans lui, elles n'ont que deux options perdantes : produire plus pour limiter la casse, mais le prix du pétrole baissera comme roule une boule de neige ; produire moins puis fermer la boutique et être racheté par les majors qui guettent les opportunités. Dans les deux cas, le désordre financier sera de classe mondiale.

Cette crise, bien plus que le coronavirus lui-même, est à craindre pour les marchés. Elle aura deux impacts. Un petit, la hausse de l'or ; un grand, l'accélération des mouvements hostiles à la production d'hydrocarbures et favorables à l'électricité décarbonée, donc aux métaux.

De là à faire un lien électoral entre moins de pétrole et plus de solaire et plus de nucléaire, il n'y a qu'un pas !

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(*) Didier Julienne anime un blog sur les problématiques industrielles et géopolitiques liées aux marchés des métaux.

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Commentaire 1
à écrit le 10/03/2020 à 1:17
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Dans l'article il n'y a pas de réponse à la question du titre "Pourquoi...?" La décision russe semble très bizarre pour les raisons suivantes: A. Les États-Unis reste un gros importateur du pétrole. La chute des prix aura un effet positif sur l'écon...

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