Elien Meynard, le résauteur du monde médicale

Elien Meynard, qui fut directeur de clinique à 26 ans, a fondé sa startup, Hipok. Avec son associé Xavier Chetif, le jeune Bordelais lance dans quelques jours un réseau social professionnel de médecine collaborative.
Elien Meynard et Xavier Chetif, cofondateurs d'Hipok

Elien Meynard en est persuadé : en se frottant au marché français de la e-santé, les fameux Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple) font fausse route.

« Jusqu'à présent, ils se sont cassé les dents, affirme-t-il. Google Health n'a pas marché, les Google Glass non plus. Tous font le pari d'attaquer le marché par le patient, mais ils se trompent de porte d'entrée. Pour être crédible en matière d'e-santé, il faut s'adresser aux professionnels et présenter autre chose qu'un gadget. La meilleure carte de visite d'un produit, c'est sa recommandation par un médecin. »

Elien Meynard sait de quoi il parle : il connaît le monde médical comme sa poche. Fort d'une première carrière réussie dans l'univers des cliniques, diplômé en droit des affaires et de la santé, passé également par les bancs d'une école de commerce en formation continue, très tôt patron de clinique, le Bordelais de 36 ans n'a pas le profil type d'un startuppeur. Une première paternité précoce, à 23 ans, le pousse à se projeter rapidement dans le monde du travail. Recruté dans la foulée en tant que cadre administratif par le Groupe des Polycliniques Bordeaux Nord Aquitaine, Elien Meynard débarque sur la rive droite de Bordeaux. Un territoire précarisé, coincé entre les deux pôles que sont la rive gauche, prospère, et la sous-préfecture girondine de Libourne : 30 % de la population de Bordeaux y bénéficie d'un maigrichon 5 % de l'offre de soins. Le jeune homme s'implique dans le regroupement de deux cliniques, un projet à 52 millions d'euros dont il prend vite la direction. Il occupe successivement plusieurs postes à responsabilités, jusqu'à piloter les différentes cliniques de la rive droite pour le Groupe Polyclinique Bordeaux Nord Aquitaine. Jusqu'à son départ, réfléchi.

« Cela faisait des années que j'avais envie d'entreprendre. Mes anciens patrons m'avaient donné une grande liberté de mouvements. J'avais envie de participer à un changement de plus grande ampleur. L'économie de la santé se modifie en profondeur et je n'étais pas sourd aux problématiques rencontrées par les professionnels. »

Elien Meynard se lance dans l'aventure startup avec son ami et associé Xavier Chetif, rencontré sur les bancs de leur école de commerce, passé depuis par la direction de réseaux dans la téléphonie. Un saut dans le vide courageux, tant « le monde de la santé est monolithique, archaïque. Tout cela est très lié au mode de financement essentiellement public du secteur médicohospitalier, qui ralentit l'innovation. On n'ose pas, comme si on avait peur de l'erreur. L'environnement n'est en effet pas propice à essayer et échouer. Les éditeurs de logiciels sont peu nombreux, font d'énormes marges et ne sont pas très moteurs dans l'émergence de nouveaux acteurs susceptibles de bouleverser le système. »

Ce système, Hipok entend bien le bouleverser. La startup imaginée par Elien Meynard et Xavier Chetif lancera en mars son application, gratuite pour les métiers de la santé. Hipok est un réseau social professionnel, permettant d'échanger des messages et photos facilement et surtout, de manière sécurisée. Une alternative mobile aux solutions institutionnelles en vigueur, plutôt lourdes et coinçant le médecin derrière son ordinateur. Hipok ne propose pas d'innovation technique mais colle aux nouveaux usages des professionnels.

« Documents par fax, courrier... à l'hôpital on a parfois l'impression de se retrouver dans un service comptable des années 1980, assène Elien Meynard. Et pourtant, les médecins et chirurgiens sont de plus en plus nombreux à échanger avec des confrères, envoyer des photos de radiographies ou de comptes rendus avec leur smartphone pour obtenir un second avis entre deux portes... La démarche est discutable, mais aucune solution simple, mobile et sécurisée ne leur étant jusqu'ici proposée, on ne peut pas les blâmer. Il est plus compliqué de demander l'avis d'un confrère que de commander un taxi avec son téléphone. Mais le temps gagné, c'est une chance supplémentaire de soigner un malade. »

Hipok propose donc à la communauté médicale de se mettre en réseau et d'accéder à une vaste base de données de spécialistes, médecins de ville, étudiants... Quelques clics suffisent pour adresser un message, demander un avis, envoyer la photo d'une radio, partager une lecture scientifique. L'inscription est gratuite : le modèle économique repose sur l'adhésion des établissements de santé qui, en échange de licences, gagnent la possibilité d'offrir une plateforme d'échanges sécurisée à leurs employés, du chirurgien à l'infirmier, favorisant l'organisation de communautés autour de projets...

« Les chefs d'établissement peuvent ainsi se connecter avec leurs équipes mais aussi sur l'extérieur, vers les médecins de ville par exemple. N'oublions pas que ces derniers fournissent 80 % de la patientèle, poursuit Elien Meynard. Un autre enjeu des dirigeants d'hôpitaux et de cliniques est de renouveler leurs professionnels, libéraux comme salariés. La concurrence est féroce. Hipok donne accès à une base de données permettant de rechercher des compétences, des profils de juniors, de seniors, d'étudiants... »

En somme, une couche de LinkedIn rajoutée à une couche d'Instagram.

L'année 2016 rimera également avec levée de fonds. L'an passé, sur sa phase d'amorçage, Hipok a réuni 170.000 euros entre « argent de l'amour » et soutiens institutionnels. Cette fois, elle veut « engranger de la métrique », autrement dit s'appuyer sur les statistiques de téléchargement et d'utilisation de son application, pour viser entre 300.000 et 500.000 euros permettant de continuer à développer son produit. Hipok se veut « éthique, déontologique, sans publicité. Nous aimerions rassembler un pool d'investisseurs qui partagent ces valeurs, nous ne sommes pas non plus opposés à l'idée d'un partenariat industriel qui ait du sens ».

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MODE D'EMPLOI

Où le rencontrer ? « Dans le TGV ! Entre nos bureaux de Paris, rue La Boétie, et ceux de Bordeaux. On peut aussi me croiser au sein du Centre des jeunes dirigeants à Bordeaux, ou dans les événements du Réseau Entreprendre Aquitaine. »

Comment l'aborder ? « Naïfs ou expérimentés, j'aime les gens qui ont le feu sacré et qui sont dans le contre-pied, qui ont envie de faire autrement. Têtus voire bornés, mais à l'écoute. »

À éviter ! « Tous ceux qui ne prennent pas de plaisir à travailler. Je cherche des bâtisseurs, pas des opportunistes. »

TIME LINE

  • 1980 Naissance.
  • 2006 Devient directeur de clinique.
  • 2009 Rencontre avec son futur associé, Xavier Chetif.
  • 2010 Livraison de son premier programme de regroupement de cliniques, un projet à 52 M d'euros.
  • 2014 Création d'Hipok, en novembre.
  • 2015 Début des opérations d'Hipok.
  • 2016 Sortie de l'application Hipok en mars. Recherche d'investisseurs ou de partenaires industriels.

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