L'après smartphone a commencé

HOMO NUMERICUS. Le smartphone est ancré dans nos vies. Pourtant, certains travaillent à son futur remplacement par d'autres formes de connectivité permanente. Par Philippe Boyer, directeur relations institutionnelles et innovation à Covivio.
Philippe Boyer
(Crédits : Shutterstock)

Un dessin humoristique paru en 2014 dans le magazine The New Yorker représentait un homme dont le cou était entouré d'une collerette, à l'instar de celle que l'on met sur les animaux domestiques pour éviter qu'ils ne se grattent. L'humour de la légende était à la hauteur de la réalité : « Cela m'empêche de regarder mon téléphone toutes les deux secondes ». Après vérification sur Amazon, il semble que de tels dispositifs ne soient pas (encore) en vente libre. Au-delà de leur esthétisme plus que douteux, au moins pourraient-ils avoir le mérite- de faire en sorte que nous levions plus souvent les yeux de nos écrans.

Tout juste cinquante ans après cette invention - le 3 avril 1973, le premier appel mobile de l'histoire était passé par l'ingénieur américain, Martin Cooper - et quinze ans après la sortie du premier iPhone d'Apple, le smartphone a changé nos vies en s'imposant comme l'objet incontournable dans tous les domaines : travail, voyages, santé, finance... Impossible de s'en passer tant il est devenu culte en tant qu'ordonnateurs de nos existences, pour le meilleur ( « couteau suisse » capable de nous faire gagner du temps en nous donnant le don d'ubiquité) comme pour le pire (addiction, surveillance...).

Smartphones de demain

Techniquement, cet objet n'a pas cessé d'évoluer. Outre ses capacités de mémoire (l'ordinateur de suivi de la mission Apollo 11 contenait 32 768 bits de mémoire vive alors qu'un iPhone XS en contient 4 Go, soit plus d'un million de fois la quantité de mémoire vive de l'ordinateur de 1969), ses formes se sont adaptées aux usages : la course à la miniaturisation de ses débuts a pris fin lorsqu'il devint évident que le smartphone était devenu un objet pour écrire et photographier. De ce fait, les modèles se sont agrandis, quitte à se couper en deux ou en trois avec l'apparition de modèles pliables. Au-delà de ces caractéristiques physiques, les futurs appareils élargiront leurs fonctions grâce à l'apport de l'intelligence artificielle générative qui sera installée directement dans le téléphone et pas seulement sur des serveurs distants.

La toute récente présentation du Pixel 8 Pro de Google nous fait plonger dans une autre dimension du fait, telle est la promesse technologique, que l'IA embarquée est censée se comporter comme un « coach du quotidien » : répondre pour nous à des appels, gérer notre agenda, nous suggérer des retouches esthétiques aux photos prises... bref, nous « materner », à moins que ne soit pour toujours plus nous contrôler en « dataifiant » le moindre de nos faits et gestes pour les rendre toujours plus prévisibles.

Nous serons l'interface !

De façon encore plus prospective, il n'est pas faux de présager que nos futurs téléphones ne ressembleront plus du tout aux objets que nous connaissons sous la forme de petits boîtiers qui déforment nos poches. En 2017, Satya Nadella, le CEO de Microsoft l'affirmait déjà : « Nos futurs téléphones ne ressembleront pas à des téléphones ». Il y a 10 ans, la montre connectée de la marque à la pomme rassembla un temps tous les espoirs tant elle devait supplanter le smartphone. Force est de constater que l'on en est encore loin, sans doute en raison du fait que l'on hésite à parler et à rire en regardant sa montre, sauf évidemment à être adeptes de quelques cultes animistes... À la même époque apparurent les lunettes connectées (Google Glass) qui, via des branches connectées et des verres capables de se transformer en écran, devaient supplanter le smartphone. Cette innovation ne réussit pas à changer le cours des choses ni celle d'ailleurs des casques de réalité mixte.

Plus futuriste, l'idée que des lentilles de contact pourraient se muer en smartphone. Alimentées par l'œil, ces lentilles nous plongeront alors dans des environnements immersifs, sorte de réalité augmentée, en captant et en transmettant des informations. L'Humain sera alors l'interface de cette technologie où l'objet fera littéralement corps avec la machine. Dit sous une autre forme, nous serons alors en permanence connecté sans avoir la possibilité de « nous éteindre ». Or, le meilleur usage possible d'un smartphone c'est la possibilité de le mettre sur « off ». Car il n'y a de disponibilité précieuse que chez celui qui sait se rendre régulièrement indisponible. C'est sans doute cela qui distingue l'homme libre de l'esclave.

Philippe Boyer

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Commentaires 3
à écrit le 12/10/2023 à 12:07
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Preuve que le marketing est plus important que l'innovation; l'auteur cite "la pomme", laquelle n'a jamais rien inventé. Juste vendu. Quant à l'avenir, il serait bon qu'il soit guidé par des penseurs qui démontrent au vulgum pecus que sur un smartpho...

le 12/10/2023 à 12:54
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"il serait bon qu'il soit guidé par des penseurs qui démontrent au vulgum pecus" Ça s'appelle un professeur tandis que tu prônes qu'ils soient moins nombreux ou bien qu'ils enseignent tous les maths-physiques. Bref tu moulines.

à écrit le 12/10/2023 à 9:26
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En effet notre système marchand dont les lobbys dirigent nos vies via tout ces politiciens larbins pour qui seul le fric et la réputation importent, nous dirige tout droit vers un scénario à la numérisation totale de l'humain afin d'en faire un conso...

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