Quelle était la couleur du cheval blanc d'Henri IV ?

HOMO NUMERICUS. J'ai testé ChapGPT, cet époustouflant agent conversationnel dopé à l'intelligence artificielle. Une chronique écrite à deux : elle (la machine) et moi (l'humain). Par Philiipe Boyer, directeur relations institutionnelles et innovation à Covivio.
Philippe Boyer
Gavée d'informations en provenance d'internet, dont l'intégralité de l'encyclopédie en ligne Wikipedia ou encore des fonds entiers de bibliothèques universitaires, ChatGPT, accessible gratuitement, agrège 175 milliards de paramètres.
Gavée d'informations en provenance d'internet, dont l'intégralité de l'encyclopédie en ligne Wikipedia ou encore des fonds entiers de bibliothèques universitaires, ChatGPT, accessible gratuitement, agrège 175 milliards de paramètres. (Crédits : Reuters)

Cela faisait longtemps que je songeais à un tel texte. Me reposer presque intégralement sur une intelligence artificielle (IA) pour rédiger une chronique à paraître sur le blog « Homo Numericus » de La Tribune. Après tout, et avec déjà 180 textes à mon actif, tous parus sur le sujet du numérique dans nos vies, qu'il me soit permis, pour une fois, de m'appuyer sur une IA pour co-produire un texte. Ce fut l'essai de ChatGPT[1], cet agent conversationnel dont tout le monde parle depuis quelques mois, qui me donna l'occasion rêvée.

175 milliards de paramètres

Gavée d'informations en provenance d'internet, dont l'intégralité de l'encyclopédie en ligne Wikipedia ou encore des fonds entiers de bibliothèques universitaires, ChatGPT, accessible gratuitement, agrège 175 milliards de paramètres. Au final, cela débouche sur une sorte de moteur de recherche remarquablement amélioré car capable d'interagir avec des humains via un système de dialogue très intuitif : en attendant une éventuelle future version vocale, on pose une question écrite à la machine et celle-ci y répond instantanément via un texte presque à coup sûr pertinent et très structuré.

Rien de bien nouveau sous le soleil algorithmique me direz-vous, sauf que cette IA-là est époustouflante par ses capacités à assembler, hiérarchiser et synthétiser les informations les plus diverses.

Baudelaire à la sauce IA

Tous les sujets et styles de questions sont possibles : ici, la rédaction d'un poème dans un style proche de celui de Baudelaire et qui aurait pour sujet la culture du coton en Inde du nord au début du 20e siècle ?

Moins de 10 secondes suffisent à la machine pour (presque) faire croire que le poète aurait pu se passionner pour l'agriculture de cette plante dans cette lointaine région du monde : « Le coton, blanc et soyeux, Fruit de la terre indienne, Récolté à la main par les ouvriers, La culture de ce précieux trésor... »

Pousser l'IA dans ses retranchements

Et puis, dans le but inavouable d'essayer de coincer cette IA, je l'ai interrogée à la cantonade pour savoir si elle saurait répondre - et partant, prendre un peu de recul - à quelques questions enfantines.

D'abord, cette interrogation posée pour enseigner des notions scientifiques rudimentaires : « Dis-moi, qu'est-ce qui est le plus lourd : 1 kg de plumes ou 1 kg de plomb ?». Outre que j'ai, sans hésiter, opté pour un tutoiement de rigueur, celle-ci me fit poliment remarquer que cette question n'avait pas de sens car :

« Les deux masses ont le même poids, soit 1 kilogramme. La masse d'un objet est la quantité de matière qu'il contient, indépendamment de sa densité ou de sa forme. La densité, en revanche, est la masse d'un objet par unité de volume. »

Et de compléter quelques secondes plus tard en prenant soin d'ajouter que « cette réponse peut tout de même se discuter du fait que la définition de « lourd » varie selon que l'on parlera de masse ou de poids ». Bien joué l'IA !

La couleur du cheval blanc d'Henri IV

Toute fierté ravalée, et pour ne pas m'avouer vaincu, je lui posai ensuite cette autre question dont je ne suis pas spécialement fier mais qui eut tout de même le mérite de poser les termes d'un débat de haute tenue :

« Dis-moi, quelle était la couleur du cheval blanc d'Henri IV ? »

Espérant que ChatGPT attirerait mon attention sur le fait que poser ce genre de question à une intelligence artificielle aussi performante qu'elle revenait presque à l'insulter du fait de ses extraordinaires capacités, imperturbable, tel un premier de la classe, sa réponse s'afficha dans la seconde sans le moindre signe de reproche à mon égard :

« Il est impossible de dire quelle était la couleur exacte du cheval blanc d'Henri IV, car ce dernier a régné au 17e siècle et il est donc difficile de trouver des informations précises sur la couleur de son cheval. De plus, le terme "cheval blanc" peut faire référence à différentes couleurs de chevaux, allant du blanc pur au gris clair en passant par le crème. En général, cependant, on utilise le terme "cheval blanc" pour désigner un cheval dont la robe est blanche ou très claire. » CQFD !

Même pas un peu d'humour ?

Evidemment, on saluera l'exploit technique d'avoir réussi à construire cette réponse logique bien que tout de même un peu laborieuse, et cela en à peine quelques secondes. Ceci dit, j'avoue avoir regretté que cette IA n'en profite pas pour me renvoyer, cordialement mais sûrement, dans mes cordes. Sans virer masochiste, j'aurais aimé qu'elle sache répondre tout en nuançant ses propos (« Par blanc, insinuez-vous que la robe du cheval d'Henri IV était plus proche d'un panache aubère ou alezan » ?) ou alors, plus drôle, qu'elle choisisse de me mettre dos au mur sur un ton sarcastique pour lui permettre de me faire comprendre qu'elle n'était pas dupe : « On me pose souvent cette question immature. Croyez-vous que je n'ai pas percé votre petit jeu ? »

Bref, et après lui avoir posé une bonne trentaine de questions, toutes aussi farfelues les unes que les autres (écrire un haïku japonais pour évoquer le réchauffement climatique ou encore imaginer une recette de cuisine à base de sable du désert de Jordanie...), à chaque fois, ses réponses furent impeccables, ciselées, techniquement irréprochables mais toutes dénuées de nuance, de doute. Bref, sans « personnalité » et sans la moindre once de légèreté.

Les créateurs de ChatGPT objecteront que pour qu'une machine s'approche le plus possible des réactions humaines, cela nécessite d'ajouter de nombreux autres composants bien plus complexes que le « simple » fait de lui faire ingurgiter des tombereaux de données tout en organisant des couches de réseaux de neurones pour que ces informations puissent être logiquement associées. J'en conviens tout à fait et, au passage, réalise qu'à partir du moment où les futures versions de ChapGPT embarqueront cette dimension émotionnelle, nous, les humains pourrions alors courir un réel danger : celui de se faire berner par les machines lorsqu'elles détecteront nos émotions du moment.

J'ai demandé à ChatGPT si cette première chronique de l'année 2023 serait lue

Dans les faits, j'ai préféré continuer mon petit jeu en poursuivant mes questions-réponses jusqu'à cette question fatidique, comme si je m'adressais à un oracle. Un brin penaud, je demandais finalement à cette IA si cette première chronique de l'année 2023 avait des chances d'être lue ? La réponse de ChatGPT ne tarda pas : « Je ne suis pas capable de prédire si votre chronique sera lue ou non. Cela dépendra de nombreux facteurs tels que l'intérêt de votre sujet, la qualité de votre écriture et la manière dont vous présenterez votre chronique. Pour augmenter les chances que votre chronique soit lue, vous pouvez essayer de choisir un sujet intéressant et original, d'écrire de manière claire et concise et de promouvoir votre chronique auprès de votre public cible. Êtes-vous certain que c'est le cas ?» En plein dans le mille : je m'incline !

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NOTES

1 https://chat.openai.com/auth/login

Philippe Boyer

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Commentaires 2
à écrit le 17/01/2023 à 20:10
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Et pourtant on nous disait que les chinois etaient en avance sur les Americains sur l'IA. Après Alpha Go de Google qui a facilement écrasé le plus grand champion de Go du monde, il y a ce ChatGPT de Microsoft qui surprend. Sans parler, sur un autre ...

à écrit le 17/01/2023 à 13:46
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Pour l'humour, il suffit de lui demander de répondre de manière humoristique ! Ca marche ...

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