Elève IA... au tableau  !

HOMO NUMERICUS. L’école du XXIe siècle doit intégrer l’intelligence artificielle dans ses enseignements. Placée au service de l'élève et du professeur cette nouvelle technologie permettra à la fois de mieux travailler tout en préparant les citoyens de demain au monde qui sera le leur. Par Philippe Boyer, directeur relations institutionnelles et innovation à Covivio.
Philippe Boyer
La Chine veut ouvrir la voie à l'IA dans ses salles de classe.
La Chine veut ouvrir la voie à l'IA dans ses salles de classe. (Crédits : DR)

Alors qu'en France, les trousses des élèves sentent encore le neuf, ailleurs, en Chine, dans la province du Hainan, les fournitures scolaires ne sont pas exactement de la même nature. Certes, il s'agit toujours d'utiliser des stylos pour apprendre à écrire sauf que, dans certaines écoles, des stylos « intelligents » on fait leur apparition. Par « intelligents », entendons « connectés », c'est-à-dire capables de transmettre des informations personnalisées aux enseignants sur notamment le rythme d'apprentissage des enfants.

Dans son édition du 30 juillet dernier, le journal chinois Chengdu Shangabo publia une nouvelle en expliquant qu'un enseignant avait distribué ces "stylos intelligents" à ses élèves afin que ces derniers les utilisent pour faire leurs devoirs de vacances. En écrivant sur un papier spécial, la caméra du stylo peut collecter et transmettre des données vers le professeur montrant ainsi l'empressement des élèves à mettre du cœur à l'ouvrage... Cette information n'a pas manqué de faire réagir plusieurs grands médias chinois, jusqu'au journal officiel du Parti communiste en s'interrogeant sur la pertinence de ces technologies appliquées à l'enseignement afin que celles-ci ne se transforment pas en de nouvelles « paire de menottes connectées ».

Les EdTech aux premières loges

Cet exemple qui nous vient de Chine a de quoi faire réfléchir. Poussés à l'extrême, comme ce régime politique en est coutumier, de tels dispositifs technologiques pourraient devenir d'évidents outils de contrôle. Pour autant, cet exemple dystopique ne doit pas nous faire écarter l'usage des nouvelles technologies dans les salles de classe. Dit autrement, le pire serait de jeter le bébé digital avec l'eau du bain éducatif...

Bien encadrés, les outils technologiques à des fins pédagogiques, dont ceux, de plus en plus nombreux, qui embarquent des dispositifs dopés à l'intelligence artificielle (IA), ont la capacité de faire émerger des pratiques d'enseignement et d'apprentissage innovantes, surtout dans un contexte où, post crise Covid, les lignes en matière de numérisation d'outils et de méthodes pédagogiques ont énormément bougé. Si le marché de l'EdTech (secteur d'activité qui applique les nouvelles technologies à l'apprentissage et au partage de connaissances) a gagné de précieuses années du fait de cette crise sanitaire au cours de laquelle il a fallu continuer à apprendre en n'allant pas en classe. Rien qu'en France, il existe près de 500 startups spécialisées dans l'éducation et la formation. Elles génèrent 1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires et emploient 10 000 salariés.

Faire entrer l'IA dans les classes

Qu'elle nous fascine et nous angoisse, c'est un fait, l'IA fait et fera de plus en plus partie de nos vies. Parce que le numérique est déjà omniprésent sur les façons dont nous travaillons, consommons, voyageons... en matière d'apprentissage, l'IA est et sera l'allié de l'école dès lors qu'elle se mettra au service de l'élève et des professeurs. Grâce à elle, l'automatisation des enseignements de base s'en trouve facilitée. L'IA permet ainsi de décharger les enseignants de tâches rébarbatives ou répétitives. Pour les élèves, l'IA à cette capacité de s'adapter à leurs besoins spécifiques. Citons, l'exemple d'«Adaptiv'Langue» déployée dans l'académie de Versailles. Conçue par l'EdTech «EvidenceB», cette solution fonctionne grâce à une IA qui entraine les lycéens à travailler la syntaxe, l'orthographe, le lexique, le verbe, la cohérence d'un texte et la logique. Pour l'enseignant, ce logiciel boosté à l'IA lui donne la possibilité de se concentrer sur l'essentiel : suivre le parcours de ses élèves grâce notamment à des tableaux de bord qui permettent de visualiser d'un coup d'œil la progression de tous et de chacun.

Sans compréhension de l'IA pas de citoyens éclairés

Dans son dernier livre*, plaidoyer pour une véritable autonomie des établissements scolaires, la philosophe et universitaire Monique Canto-Sperber, rappelle cette évidence : on éduque les enfants pour qu'ils deviennent des individus autonomes dans le monde social où ils vont vivre et travailler. Pour que ce vœu se perpétue, l'école doit, comme elle l'a toujours fait en rendant intelligible les grandes révolutions techniques, se mettre à la hauteur des enjeux de demain. En l'espèce, enseigner et éduquer à l'IA afin de donner aux futurs citoyens les clés pour comprendre et mesurer l'impact potentiel de ces nouvelles technologies sur la vie humaine. C'est tout le sens du projet « Enseigner l'intelligence artificielle à l'école » développé par l'Unesco.

Est-ce à dire qu'il faudrait, à l'instar des matières « classiques » (langues, mathématiques, histoire...) que des cours d'IA soient dispensés dans toutes les écoles ? La réponse semble évidemment « oui », ne serait-ce que pour que l'on arrive à démystifier ce qui se trouve « sous le capot » des ordinateurs. Si l'idée n'est pas de faire de tous les enfants des programmateurs ou des codeurs en puissance, il s'agit plutôt de les préparer à vivre aux-côtés de ces intelligences artificielles désormais omniprésentes. Bref, de préparer les esprits à la façon dont les enfants appréhendent le monde grâce à des établissements scolaires réactifs, capables d'adaptations tout en restant fidèles aux valeurs de l'éducation républicaine. Et tout ça avec ou sans stylos connectés...

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(*) « Une école qui peut mieux faire », Monique Canto-Sperber, éditions Albin Michel, septembre 2022

Philippe Boyer

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Commentaires 2
à écrit le 06/09/2022 à 8:23
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' il redoublaiT', errata

à écrit le 06/09/2022 à 8:22
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de mon temps, pour voir comment les enfants evoluaient, il y avait un instituteur ou un prof; il y avait des interrogations avec des notes de droite ( comprendre 'qui sont stigmatisantes pour ceux qui n'ont pas la chance de savoir leur lecon, pas com...

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