Fiscalité des entreprises et attractivité : revenir à la raison

Le sujet de l'attractivité est trop souvent vu par le seul prisme fiscal -où la France ne brille guère. Il faut l'élargir. Par Les Arvernes
François Hollande. "Ce pouvoir reste marqué par des réflexes pavloviens de taxation"

Alors que se profile la fin de l'examen puis l'adoption du projet de Loi de Finances pour 2017, la fiscalité des entreprises s'est trouvée à nouveau au centre des débats. C'est en effet un sujet évident et essentiel.

Il est évident car l'instrument fiscal, dans un univers de contraintes économiques, est considéré par les autorités politiques comme l'une des rares armes dont elles disposent encore. Le candidat Trump, évoquant un taux à 15%, n'a ainsi pas fait mystère de son désir de placer la diminution de la fiscalité qui pèse sur les entreprises au cœur de sa double stratégie de croissance et de rapatriement des activités sur le territoire américain. Le Royaume-Uni, dans la précipitation d'un Brexit largement impensé, envisage sa stratégie économique, quand il ne s'agit pas d'une menace à l'égard de l'Europe continentale, autour d'une baisse majeure de la contrainte fiscale sur les entreprises, alimentant la perspective de transformer le Royaume-Uni en un nouveau Singapour.

Il y a quelques années l'Irlande, alors que ses partenaires européens envisageaient en 2009 de subordonner le sauvetage de son système bancaire à une augmentation de son taux d'impôt sur les sociétés, a menacé de quitter purement et simplement l'Union européenne, et obtenu gain de cause. En matière d'imposition des sociétés, la course à l'échalote ne date pas d'hier, et elle risque de durer longtemps...

Un taux élevé d'IS, désastreux en termes de communication fiscale

Le sujet est essentiel pour au moins deux raisons. D'abord, dans un monde de croissance potentielle de plus en plus faible (1,5% en Europe, 2% aux Etats-Unis), et peut être de « grande stagnation », la capacité à attirer des investissements donne lieu à une compétition féroce. Ensuite, face à des dettes publiques d'un niveau inédit en période de paix, la matière fiscale est rare, et donc précieuse.

Dans ce contexte, la baisse de la fiscalité pesant sur les bénéfices des entreprises est devenue un marqueur d'attractivité. Le Gouvernement a, à grands cris, souligné la baisse de l'impôt sur les sociétés (IS), afin de ramener graduellement le taux de l'IS à 28% en 2020, alors même que la moyenne des pays de l'OCDE est en train de descendre sous les 25%. S'agit-il cependant d'une stratégie d'attractivité digne de ce nom ? Sans doute pas. Le bilan de ce Gouvernement en matière fiscale est à l'image de son bilan économique d'ensemble : insuffisant.

Si l'on s'arrête à l'impôt sur les sociétés, on osera souligner que si la France pratique généralement un taux élevé, la base dudit impôt est en réalité étroite. Dès lors, le coût fiscal moyen, à situation comparable, qui est celui qui importe, n'est pas beaucoup plus élevé qu'ailleurs. Mais l'effet d'un taux élevé, en matière de communication fiscale, est désastreux pour l'attractivité.

Réflexes pavloviens de taxation

Surtout, ce Pouvoir, en dépit des efforts de communication menés, d'une introuvable politique de l'offre, qui avait provoqué à l'automne 2012, à peine arrivé, le mouvement des « pigeons », reste traversé par des réflexes pavloviens de taxation. Que l'on songe, par exemple, à la façon dont il tourne autour du sujet numérique, hier avec la « taxe Youtube (ou taxe Dailymotion, au choix) », aujourd'hui, avec la « taxe Google » (qui ne concerne en réalité par spécifiquement Google mais un grand nombre d'entreprises ayant des filiales en France). Peu importe qu'il s'agisse, une fois encore, de stigmatiser l'économie numérique, domaine, chacun le comprend, dans lequel la France et l'Europe sont pourtant tellement en retard. Peu importe qu'il s'agisse une fois de plus de ce qu'il faut bien qualifier d'une usine à gaz, faisant les délices des fiscalistes, mais si éloignée de ce que devrait être un impôt bien pensé. Peu importe qu'il ne corresponde pas en réalité à la Diverted Profits Tax instaurée par le Royaume-Uni, et que ce dernier, soucieux de ménager son attractivité, songe d'ailleurs à abroger.

Attractivité: aller au delà de la fiscalité

Surtout, et en définitive, l'approche de la fiscalité des entreprises, quand il s'agit d'attractivité du territoire, par réflexe idéologique, s'ingénie à grossir les mérites de l'outil fiscal ! Si l'on prétend, en particulier dans un contexte de Brexit, se préoccuper d'attirer des investissements étrangers - louable objectif - qui ne voit que l'attractivité est chose beaucoup plus vaste ? En fait de fiscalité, au moment d'investir en France, les entreprises étrangères savent également considérer la fiscalité du travail et celle de l'épargne. Elles savent s'interroger sur la qualité du facteur travail, c'est à dire du système éducatif, sur le respect de l'Etat de droit et du contrat, sur la qualité des infrastructures, sur la stabilité du cadre réglementaire etc. A contrario, elles comprennent aussi les limites d'un pays dans lequel le droit de grève est utilisé de manière excessive. S'il est utile et nécessaire de se préoccuper de l'attractivité de la France, il est impératif de la traiter dans sa globalité, et de ne pas se laisser griser par les mérites supposés de tel ou tel instrument fiscal ou réglementaire à l'utilisation aisée, mais aux effets limités et parfois contre productifs. C'est le bon sens même dans une économie ouverte, au sein de laquelle les activités, les profits, et donc les masses taxables, peuvent facilement se déplacer si l'impôt devient inique.

Les Arvernes sont un groupe de Hauts fonctionnaires, d'entrepreneurs, d'Universitaires et d'essayistes.

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Commentaires 6
à écrit le 18/11/2016 à 16:56
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un IS progressif, avec éventuellement un système de parts prenant en compte le nombre d'employé pour favoriser l'emploi. Ceci permettrait de rendre les charges fiscales plus justes pour les activités à faibles marges et forte main d’œuvre qui trou...

à écrit le 18/11/2016 à 15:16
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ON VIE DANS UNE SOCIETE OU TOUS LE MONDE VEUT PROFITE MAIS PERSONNE VEUT PAYE?VOUS VOUS TRONPEZ MESSIEURS? LES ALLEMANDS QUE TOUS LE MONDE CITE ET ADMIRENT ON UN RAPORT AVEC LES SYNDICATS PACIFIE ILS NEGOSIENT CHAQUE ANNEES AVEC EUX LES PROBLEMES ECO...

à écrit le 18/11/2016 à 14:08
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Euh Hollande a raison de vouloir baisser l'IS, la droite ne l'a jamais baisser donc, pourquoi voter pour eux qui sont pret a creer 500 000 chomeur de plus en supprimant 500 000 postes dans l'entreprise état ?

à écrit le 18/11/2016 à 13:00
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Il faut faire une distinction entre fiscalité sur la production, à la charges des entreprises, donc inclus dans les prix, et fiscalité sur la consommation, à la charges des consommateurs français. Une deuxième distinction concerne les prélèvements su...

à écrit le 18/11/2016 à 12:21
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Pour ma part je serais contre la suppression de toutes les taxes qui touchent les entreprises, conservant les cotisations sociales bien entendu mais par contre d'ériger en règle numéro un le principe du pollueur payeur. Les transporteurs routiers...

le 18/11/2016 à 13:01
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Pour la suppression de toutes les taxes bien entendu et pas contre, désolé.

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