L'Europe veut remonter le prix du carbone

Ceux qui disent que le libéralisme va de pair avec moins d'État feraient bien de regarder de plus près ce qui se passera ce mardi entre les ministres européens des Vingt-Huit à Bruxelles. Au menu de leur réunion : la réforme de l'ETS, l'European Trading Scheme.
Florence Autret

L'ETS repose sur l'idée que pour réduire les émissions des industriels, plutôt que de les taxer, mieux vaut « inventer » un nouveau facteur de production : le carbone. Cela fait, il ne reste plus qu'à gérer cette ressource en distribuant des « quotas »... dans une quantité de plus en plus limitée, de façon à faire monter les prix.

La pollution coûtant de plus en plus cher, les industriels qui doivent - par force de loi - se procurer une quantité de « quotas » proportionnelle à leurs émissions, seront incités à émettre de moins en moins de CO2. Une magnifique construction intellectuelle mise sur pied à la fin des années 1960 par des économistes américains.

Mais n'est pas démiurge qui veut...

La « phase 1 » de l'ETS, lancée en 2005, fut une catastrophe. Deux ans après son lancement, le prix du carbone était tombé à... zéro. L'Union européenne avait mis sur le marché au moins 200 millions de tonnes de CO2 de trop (10% du total du marché), soit entre 2 et 4 fois la valeur estimée des baisses d'émission annuelle, estimèrent les experts a posteriori. Le seul effet de cette expérimentation de politique environnementale fondée sur un mécanisme de marché fut de créer un marché hautement spéculatif et peu liquide, et d'engraisser quelques très grandes entreprises et banques d'affaires.

Après des années de négociations on s'entendit donc pour retirer un gros paquet de 900 millions de quotas et revoir leurs règles d'allocation, 43% des quotas étant distribués gratuitement (en raison des risques de « fuite de carbone », autrement dit de fuite de la production dans des usines extra-européennes n'ayant pas à acheter le droit de polluer) et 57 % aux enchères. Résultat : le prix est remonté. Mais à 5 euros, la tonne de carbone fait toujours les délices les financiers, mais ne permet toujours pas de créer une vraie « incitation » à investir dans des équipements plus verts.

En 2015, Bruxelles a donc remis le couvert pour préparer la « phase 3 », après 2020.

« Un des objectifs de notre réforme est bien de faire remonter les prix pour faciliter les investissements bas carbone », explique la vice-présidente du Parlement Françoise Grossetête qui reconnaît qu'à 5 euros, l'ETS n'envoie pas actuellement les « bons signaux ».

800 millions de quotas supplémentaires

Le compromis scellé par les députés mi-février par les députés est toutefois jugé « très favorable à l'industrie » par Milan Elkerbout, chercheur au CEPS à Bruxelles.

Les députés ont certes décidé de soutenir le retrait de 800 millions de quotas supplémentaires et appuyé la proposition de la Commission européenne de retirer chaque année 2,2 % des quotas sur le marché (au lieu de 1,74%) actuellement.

Mais sous la pression des industriels, ils ont également rendu possible la conversion de quotas actuellement vendus aux enchères en quotas alloués gratuitement. Ils ont enfin approuvé l'adjonction, dans cette subtile mécanique, de mesures de subvention pure et simple avec la création de deux fonds ad hoc. Le député écossais Ian Duncan a comparé son rapport à une « tour Kapla ». On verra le 28 février si les ministres décident de la laisser debout ou courent le risque de retirer une plaquette de bois ici ou là.

Florence Autret

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Commentaires 8
à écrit le 01/03/2017 à 9:06
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La lecture des commentaires est très instructive. Il faut en fait utiliser un double raisonnement. D'abord répartir les prélèvements sur la production (les entreprises) et sur la consommation (les ménages); et les répartir sur le travail et sur l'éne...

à écrit le 01/03/2017 à 5:57
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Réhausser progressivement le prix du CO2 est une excellente mesure dont on peut voir les résultats positifs notamment en Suède qui dispose d'un prix du CO2 beaucoup plus fort. Le modèle se développe également avec succès dans d'autres pays. On ne peu...

le 01/03/2017 à 9:23
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Techno. Vous avez raison. Un raisonnement économique donnerait le même résultat; mais le raisonnement écologique est plus facile à mettre en avant. Mais attention; Trump, aux USA, va utiliser l'argument économique pour assurer sa suprématie économiqu...

à écrit le 28/02/2017 à 14:50
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Comment ne pas répéter encore une fois, que, la plupart des mesures prises depuis 15 ans et particulièrement les taxes liées au CO2 soit disant anthropique, ne sont qu’une immense fumisterie qui a abouti à une financiarisation spéculative, qui ne pro...

le 01/03/2017 à 6:04
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@Charly10 : vous critiquez un modèle qui après ses erreurs de jeunesse a fait ses preuves notamment en Suède où le prix de CO2 est plus élevé et qui n'est en rien une "marchandisation de l'atmosphère ou de la biodiversité" mais bien au contraire de l...

le 01/03/2017 à 11:47
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@techno Désolé mais je ne propose rien, parce que je ne suis pas du tout en accord avec la doxa. La théorie du changement climatique due essentiellement à l’augmentation du CO2 n’est pas validée. Il y a dans les forums traitant de ce sujet, tout e...

à écrit le 28/02/2017 à 10:42
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Ben oui mais au lieu de demander aux actionnaires milliardaires d'investir massivement pour renouveler toute notre industrie on préfère utiliser des méthodes indirectes non contraignantes ce qui fait que la pollution est toujours majeure et qu'on n'e...

à écrit le 28/02/2017 à 8:01
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Nos économistes sont incapables de comprendre la relation entre le cout du travail et le prix de l'énergie. L'énergie remplace le travail en utilisant l'outillage (le capital). Il faut répartir les charges sociales sur le travail et sur l'énergie. Es...

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